« Le tout-sécuritaire va amplifier la récidive » : les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation vent debout contre la politique de Darmanin

D’un côté, les annonces tonitruantes, intempestives et populistes d’un ministre de la Justice pressé de donner des gages à l’opinion sur sa politique ultra-sécuritaire, de l’autre les témoignages des agents sur le terrain, au cœur du chaudron, qui au quotidien côtoient les détenus. Et se cognent au réel.

Au rassemblement des conseillers des services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) réunis, ce mardi 6 mai, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), la dissonance était flagrante entre la vision distillée par Gérald Darmanin depuis son arrivée au poste de garde des Sceaux et la réalité décrite par ces travailleurs sociaux chargés d’assurer aux détenus ou à ceux qui purgent une peine en milieu ouvert (en sursis probatoire, libération conditionnelle ou sous bracelet électronique) des chances de retrouver une place dans la société. Et, partant, d’éloigner le spectre de la récidive.

Mesures « hors sol »

Devant l’immeuble à la façade grise du Spip de la Seine-Saint-Denis, face à la nouvelle station de la ligne 14, où la CGT et le Snepap FSU ont posé café et croissants sur une table en cette journée de mobilisation nationale, les échanges entre agents s’animent autour des dernières mesures annoncées ou imposées par leur ministre de tutelle : projet de contribution des prisonniers aux frais qu’ils occasionnent, création d’un régime spécial d’enfermement pour les narcotrafiquants (voté à l’Assemblée nationale grâce aux voix du Rassemblement national et des Républicains), arrêt de toutes les « activités ludiques » en prison qui ne concernent pas l’éducation, la langue française ou le sport… Autant d’annonces « hors sol » qui font peser des menaces sur l’exercice de leurs missions déjà compromises par un manque chronique de moyens.

« Ce qu’on nous demande, c’est de faire plus avec moins d’agents et de moyens », dénonce Cyrine El Ajmi, du Snepap-FSU, qui cite les formations supprimées, les activités collectives suspendues à Villepinte (Seine-Saint-Denis) car jugées « trop ludiques » : « Comme s’il fallait à tout prix enfoncer la tête des détenus dans l’eau », dénonce la syndicaliste.

80 à 100 suivis par conseiller

« Si l’on veut éviter la récidive, il faut incarcérer les détenus dans des conditions dignes. Or, aucune des propositions de Gérald Darmanin ne s’attaque au cœur du problème, qui est celui de la surpopulation carcérale et du manque de moyens », pointe Eneko Etcheverry, directeur pénitentiaire d’insertion et de probation (Dpip) en milieu ouvert dans le site de Saint-Denis et membre de la CGT insertion probation, selon qui il n’y aurait pas eu de recrutement en insertion probation depuis trois ans.

Alors que les recommandations officielles imposent une limite de 60 suivis par conseiller, chaque agent doit absorber aujourd’hui une moyenne située de 80 à 100 suivis, affirme encore le syndicaliste. « C’est ingérable », souligne Estelle Carraud, secrétaire générale pour le Snepap FSU et conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation.

Ces moyens existent pourtant, mais ils sont orientés uniquement vers le sécuritaire, estiment les représentants syndicaux. « Aujourd’hui seule la dimension punitive de la peine est portée et absolument pas la dimension réhabilitatrice à l’encontre de tout ce que révèlent les études sur le sujet. Tout cela va amplifier la récidive », pointe encore Estelle Carraud, qui annonce d’autres journées de mobilisation.

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