Corruption en Espagne : « nous devons intensifier le virage à gauche », promet le député Agustín Santos du groupe Sumar
Après la démission du numéro trois du Parti socialiste, Santos Cerdán, suite à une enquête pour corruption le visant, le Premier ministre, Pedro Sánchez n’envisage ni de démissionner, ni de convoquer des élections anticipées ou encore de se soumettre à un vote de confiance. Le voilà donc obligé de composer avec toutes les forces de son gouvernement de coalition, au pouvoir depuis novembre 2023, pour conserver leur soutien face à une droite et à une extrême droite qui rêvent de le détrôner. L’aile gauche du pouvoir voudrait en profiter pour « renforcer le virement de bord à gauche », nous explique le député Agustín Santos, du groupe Sumar.
Pensez-vous que cette affaire de corruption mette en danger le gouvernement de coalition ?

Agustín Santos
Député du groupe Sumar et ancien ambassadeur d’Espagne auprès des Nations unies à New York
Il est important de rappeler que le retour de la gauche au pouvoir (en 2018) est possible par une motion de censure contre le gouvernement de Rajoy, du Parti populaire (PP), qui a dû quitter ses fonctions à cause d’un scandale de corruption. Il s’agit donc d’une question très importante pour définir l’identité morale du gouvernement lui-même. C’est pourquoi la possibilité que ce genre d’affaires frappe aussi des gouvernements progressistes alimente la campagne permanente menée par la droite et l’extrême droite pour tenter de délégitimer ce gouvernement, en accusant le PSOE de corruption…
La situation actuelle nous a sans aucun doute plongés dans un triangle des Bermudes politique, capable de faire perdre au gouvernement le cap qu’il maintenait. Cependant, bien que le PP continue de radicaliser son discours, il n’obtient pas plus de soutien dans la rue, et il ne peut pas non plus présenter de motion de censure car il n’a pas les votes nécessaires pour former un gouvernement.
Et en oubliant commodément, pour le PP, les cas de corruption qui ont eu lieu pendant son administration…
Il faut souligner que la corruption est en partie endémique au système capitaliste et au modèle de développement néolibéral. Dans notre pays, beaucoup de grandes entreprises cherchent à obtenir une part de leurs bénéfices à travers les appels d’offres publics ou la gestion des fonds européens, profitant d’un capitalisme qui peut parfois chercher des opérateurs politiques pour accéder aux fonds du budget public. Le détournement des ressources reste une question qui sera malheureusement toujours à l’ordre du jour, compte tenu de la capacité de corruption des grandes fortunes et des grandes entreprises.
Vous considérez que le système politique actuel encourage la corruption ?
Les affaires sont nombreuses, et actuellement, 150 hommes politiques des gouvernements précédents du PP sont poursuivis par la justice. Il y a déjà eu des condamnations, mais beaucoup de ces procès auront lieu à partir de mai 2026. Cependant, depuis le retour de la gauche au pouvoir il y a sept ans, le gouvernement s’est engagé à mettre fin à la corruption. Mais ces dernières semaines, trois membres du parti socialiste, dont l’un très important – puisqu’il s’agit du secrétaire à l’organisation – ont été impliqués dans des actes de corruption concrets, mais qui concernent uniquement ces trois personnes.
Vous voulez dire qu’il s’agit de cas personnels, non représentatifs du parti socialiste ou du gouvernement ?
Ces derniers jours, Sumar a reçu la garantie du président du gouvernement qu’il s’agissait d’un cas de corruption isolé, focalisé sur ces trois personnes. Cette affaire n’affecte ni n’implique le parti socialiste en tant que tel, ni son financement. Et qu’une fois ces trois personnes ainsi que le réseau qui pourrait les entourer serait écartés, la question serait résolue.
Avec Sumar nous avons exigé trois choses, à commencer par des mesures claires de lutte contre la corruption, comme la fin de l’immunité des parlementaires impliqués dans des affaires de corruption. Deuxièmement, la mise en place d’un registre afin que les entreprises condamnées pour avoir encouragé la corruption ne puissent plus participer à des programmes financés par des fonds publics.
Des questions axées sur la lutte contre la corruption…
Pas seulement. Le troisième point est très important : renforcer vigoureusement, l’orientation sociale du gouvernement dans les mois à venir. C’est-à-dire approfondir le virage à gauche en ce qui concerne le programme progressiste : de nombreux dossiers ont été retardés, ils doivent avancer. Nous sommes à mi-chemin de la législature et il faut profiter du temps qui reste pour concrétiser toutes les mesures de notre agenda social qui restent à appliquer, comme notre prochain grand objectif : la réduction du temps de travail.
Et ainsi pouvoir l’ajouter aux acquis déjà conquis et qui sont loin d’être minimes, que ce soit en matière de logement, d’augmentation du salaire minimum, des retraites, de liberté d’expression… Toute une série de thématiques sociales, politiques et démocratiques au sujet desquelles il est encore nécessaire d’avancer en matière d’application de la loi et qu’il faut aussi lier à la question de la lutte contre la corruption.
Un nouvel agenda plus progressiste pourrait donc émerger de cette crise ?
Oui, la crise ouvre aussi la possibilité de changer de cap et c’est pourquoi nous insistons sur le fait qu’il est nécessaire d’intensifier le virage à gauche dans un nouveau cadre de gestion du gouvernement de coalition, afin de consolider encore plus notre base sociale progressiste, et son caractère exceptionnel dans le contexte européen.
Pour y parvenir, la place des mobilisations sociales – prête à défendre le secteur public, la santé, l’éducation, etc. – et à contrer les aspects régressifs qui se glissent dans les programmes conservateurs et de l’extrême droite, continuera d’être primordiale. Les crises sont aussi l’occasion de changer de cap, il est peut-être temps d’initier un nouveau cycle qui pourrait non seulement assurer la survie de la gauche, mais renforcer aussi son agenda progressiste.
Avant de partir, une dernière chose…
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