« Ce n’est pas l’organisation qui est à revoir, mais le manque de moyens » : les Assises de la Santé scolaire d’Élisabeth Borne boudées par les syndicats

Les Assises de la santé scolaire, poussées par la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, se sont ouvertes mercredi 14 mai. L’ancienne locataire de Matignon espère y mobiliser le personnel médical – et notamment les psychologues – scolaire. Face à la pénurie de personnel dans les établissements à travers l’Hexagone, le gouvernement tente donc de prouver son attention à propos d’un phénomène qui inquiète au sein de l’Éducation nationale.

Pour rappel, 13 % des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble psychique et 15 % des adolescents sont à risque élevé de dépression (selon une enquête de Santé publique France), 30 % des enfants n’ont pas de médecin traitant alors qu’ils sont entre 20 et 30 % d’une classe d’âge à présenter des troubles visuels non diagnostiqués, un enfant meurt tous les cinq jours des suites de violences dans notre pays et deux enfants par classe sont victimes de violences sexuelles (selon les données de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, CIIVISE).

La création d’un pôle santé bien-être des élèves

Au niveau des effectifs, 900 médecins scolaires, 9 300 infirmiers et infirmières scolaires, 3 200 assistantes sociales et 7 000 psychologues sont dénombrés par l’Éducation nationale. Du côté des médecins scolaires, le total de postes vacants dépasse les 40 %. Le ministère de l’Éducation nationale compte présenter plusieurs réformes du système de santé au sein des écoles lors de son grand raout du mercredi 14 mai. Par exemple, avec la création d’un pôle santé bien-être des élèves au niveau départemental, qui regrouperait – sans lien hiérarchique – quatre conseillers techniques : médecins scolaires, infirmières, assistantes sociales et psychologues. Ce dernier serait piloté par le directeur académique (DASEN), « avec des réunions régulières pour élaborer une stratégie départementale déclinant les priorités nationales ».

Les pôles auraient un rôle de pilotage départemental avec, comme objectifs, « de déployer la politique nationale en termes de santé mentale et de l’adapter au territoire, après avoir identifié les besoins de celui-ci ». La création d’un poste de psychologue en lien avec l’Éducation nationale pour servir de conseiller technique santé mentale au niveau du département est aussi envisagée.

Son objectif : « Avoir une représentation au niveau de l’institution ». Les Assises doivent aussi permettre de simplifier et d’articuler différemment les missions inhérentes au secteur. La rédaction d’une « circulaire globale pour préciser l’action de chaque personnel sur les grands enjeux de santé et de bien-être partagés (santé mentale, protection de l’enfance, etc.) » pourrait enfin être annoncée.

L’initiative portée par Élisabeth Borne divise cependant au sein des organisations syndicales. « Les Assises de la santé scolaire visent à associer les syndicats à une transformation de la santé scolaire pour masquer le manque de moyens », fustige par exemple France ouvrière (FO). Le syndicat a annoncé ne pas envisager se rendre à l’événement, dans un communiqué publié vendredi 9 mai.

Des assistants sociaux aux médecins scolaires

FO critique la méthode du ministère de l’Éducation nationale lors de la préparation de l’événement. Par exemple le « questionnaire envoyé aux parents et aux personnels avec des questions orientées choisies par lui-même et des résultats qui, « étonnamment », confortent ses préconisations », « des concertations des organisations syndicales dans lesquelles aucun élément concret n’est jamais annoncé » ou « des audits et des rencontres dans trois académies qui ne retiennent que les propos allant dans le sens des orientations du ministère ».

L’UNSA Éducation – qui a participé aux groupes de travail organisés par le ministère – apparaît plus optimiste. Cette rencontre avec le pouvoir politique a, selon le syndicat, « permis de faire remonter les attentes, les alertes, les propositions portées par nos collègues ». Des assistants sociaux aux infirmiers, en passant par les médecins scolaires ou les psychologues, mais aussi des personnels de direction, d’inspection, de vie scolaire, d’enseignement, l’UNSA Éducation revendique être la seule force syndicale à « rendre visible et cohérente » cette multiplication de professions « dans le débat public ».

Le Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc) estime, de son côté, que « le modèle de service départemental que le ministère veut imposer contre l’avis quasi unanime va éloigner les professionnels du terrain ». Selon le Snalc, « ce n’est pas l’organisation qui est à revoir ou la chaîne hiérarchique, mais c’est le manque de moyens qui complexifie le travail des personnels de la santé scolaire ». Le syndicat critique donc des Assises qui « ne répondront pas aux revendications en matière salariale ou en besoins humains ».

Même son de cloche pour la CGT, dont l’expérience au sein des groupes de travail par métier ne l’a « pas du tout rassurée ». Le syndicat regrette qu’il n’y ait « aucune mesure concrète » de prévue dans le cadre de ces Assises de la Santé scolaire, « mis à part la mise en place de pôles départementaux ». Surtout que la CGT Éduc’action reste opposée « à tout regroupement avec une coordination départementale ou toute forme de décentralisation des quatre métiers ».

Les missions spécifiques de chacun d’entre eux poussent le syndicat à affirmer qu’il est « hors de question de pallier un manque de personnels en proposant des organisations de travail qui les obligeront à faire toujours plus avec moins de moyens ». La CGT estime enfin que « toutes les autres mesures proposées restent floues malgré nos interpellations et nos demandes de précisions (création d’une circulaire globale sur nos missions, formations, la visite de la 6e année, revalorisations salariales, refonte du BO 2000, etc.) ». Le grand rassemblement envisagé par Élisabeth Borne part donc avec du plomb dans l’aile.

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