Formation des enseignants : François Bayrou annonce le retour à la licence
C’est une vieille rengaine. Depuis des années, les gouvernements successifs ont modifié à plusieurs reprises la formation initiale des enseignants, sans jamais enrayer la crise du recrutement. Depuis 2021, le nombre de candidats aux concours a chuté de 45 % dans le premier degré et de 20 % dans le second. Résultat : en 2023, près de 4 000 postes sont restés vacants, aggravant le recours aux enseignants contractuels.
En 2024, sous la houlette de Nicole Belloubet, une réforme avait été esquissée, avant d’être enterrée avec la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier. François Bayrou, lui-même ancien ministre de l’Éducation, en reprend aujourd’hui les contours, arguant de l’urgence à refonder un système en panne.
Une rémunération contre quatre ans d’engagement
Le changement majeur de cette réforme est le retour des concours de recrutement à bac +3, contre bac +5 actuellement. Dès 2026, les aspirants professeurs du premier et du second degré pourront tenter leur chance en fin de licence, et non plus en fin de master 2 (M2).
Ensuite, suivront deux années de formation professionnalisante. En première année de master, ils bénéficieront d’un statut d’élèves fonctionnaires avec une rémunération de 1 400 euros nets mensuels. En M2, en tant que fonctionnaires stagiaires, ils seront payés 1 800 euros nets mais devront prendre en charge des classes à mi-temps. En échange, ils s’engageront à exercer pendant quatre ans au service de l’État.
Une période de transition est prévue : en 2026 et 2027, les deux concours (bac +3 et bac +5) coexisteront, avant la disparition définitive du concours en fin de M2 en 2028. Présentée comme une mesure d’attractivité, cette réforme s’accompagne d’un effort budgétaire que le gouvernement chiffre à 26 millions d’euros pour 2026 et à 500 millions d’euros par an à partir de 2028.
Un pari risqué sur la qualité de la formation
Si le gouvernement insiste sur la nécessité de cette transformation, elle suscite déjà des interrogations. L’idée d’un concours à bac +3 est certes soutenue par certains syndicats, comme le SE-Unsa. Mais d’autres, comme le SNES-FSU, dénoncent un risque de nivellement par le bas. « Cette réforme ressemble à un pari hasardeux. Nous serons vigilants à ce que la formation ne propose pas des contenus au rabais » prévient auprès du Monde Sophie Vénétitay, co-secrétaire générale du Snes-FSU.
L’inquiétude porte aussi sur la mise en place des nouvelles formations, confiée aux universités déjà en difficulté. Le gouvernement leur demande de créer, en un temps record, des modules de préparation et des licences spécifiques aux métiers de l’éducation, alors qu’elles peinent déjà à faire face à l’afflux d’étudiants et au manque de moyens. Parmi ces nouvelles formations, une « licence professorat des écoles » (LPE) doit voir le jour dès 2026 pour préparer les futurs enseignants du premier degré.
Une réforme qui ne s’attaque pas aux causes de la baisse d’attractivité
« Notre idée, notre orientation, c’est de retrouver l’esprit des anciennes écoles normales, de redonner aux futurs enseignants une formation pluridisciplinaire axée sur les fondamentaux », a commenté Élisabeth Borne. Ce cursus combinera enseignements disciplinaires et pratiques, avec au moins 10 semaines de stage en école.
Les étudiants issus d’autres licences pourront toujours passer le concours, mais avec des épreuves supplémentaires. Pour le secondaire, les licences disciplinaires devront intégrer des modules spécifiques de préparation au concours. Le gouvernement espère attirer davantage de candidats avec cette nouvelle réforme.
Mais pour bon nombre d’acteurs de l’enseignement, elle ne s’attaque pas aux véritables causes de la désaffection pour le métier : salaires insuffisants, conditions de travail dégradées, précarisation avec l’essor des contractuels…
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