Igor Martinache : « Des enseignants en perte de considération sociale »

Le métier d’enseignant n’attire plus. Mal considéré, il peut même rebuter. En 2024, plus de 3 000 postes ouverts aux concours sont restés vacants. En parallèle, la proportion d’enseignants contractuels a augmenté significativement, tandis que le taux de démission continue d’augmenter et que, dans le premier degré, la moyenne du nombre d’élèves par classe reste supérieure à celle des autres pays de l’OCDE.

Quand dans les années 1990 le salaire des enseignants débutants atteignait 2,5 fois le salaire minimum, il ne dépasse pas aujourd’hui 1,2 fois. La déconstruction de l’école publique est en marche. Petit tour d’horizon avec Igor Martinache, qui a coordonné avec Géraldine Farges l’ouvrage Enseignants : le grand déclassement ? .

Quels sont les symptômes les plus marquants du déclassement enseignant qui fait l’objet de votre ouvrage collectif ?

Tout d’abord, il faut rappeler que la notion de « déclassement » est en elle-même piégeuse, car elle peut prendre de multiples significations. Si l’idée générale est celle d’un déclin dans la hiérarchie sociale, celui-ci peut renvoyer à des situations individuelles ou collectives, comme ici un ensemble professionnel, et peut être absolu ou relatif, c’est-à-dire renvoyer à une dégradation générale des conditions d’emploi et de travail et du prestige du groupe considéré ou relativement à celles des autres professions.

Une fois cela posé, le premier indicateur qui entretient l’existence d’un sentiment de déclassement des enseignants parmi la population est celui de la baisse continue du nombre de candidats aux concours de recrutement de ces derniers, ce que l’on préfère désigner comme une « crise d’attractivité » plutôt que de vocation, comme on l’entend souvent.

Cela va de pair avec un effet ciseau caractérisé par une hausse continue du niveau de diplôme demandé – aujourd’hui master, soit bac + 5 en France – et une stagnation, voire une diminution des rémunérations, consécutive notamment du gel du point d’indice des fonctionnaires. S’ajoute à cela une forte inflexion dans les représentations sociales des enseignants, portée notamment par les œuvres de fiction comme au cinéma : les enseignants y sont désormais largement représentés esseulés, en proie à des violences multiformes auxquelles ils ne peuvent faire face.

Vous invitez, avec Géraldine Farges, professeure en sciences de l’éducation avec qui vous avez coordonné cet ouvrage, à « déplacer le regard »…

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