«Des menaces importantes» : pourquoi la potentielle taxe à 200% sur les vins et spiritueux fait aussi souffler un vent de panique aux États-Unis
Ce jeudi 13 mars, Donald Trump a annoncé sur son réseau Truth Social vouloir mettre «rapidement en place des droits de douane de 200% sur tous les vins, champagnes et alcools importés de France et d’autres pays de l’UE». Un énième coup de massue pour les professionnels français et européens du vin et des spiritueux, confrontés à une crise importante par ailleurs, entre déconsommation et aléas climatiques. Dans sa logique de l’America First, Donald Trump, en campagne pour sa réélection, avait annoncé le projet de retour des 25% de droits de douane en vigueur lors de son premier mandat. Mais depuis quelques jours, tout semble s’accélérer.
Les annonces tombent d’un côté et de l’autre de l’Atlantique. Les États-Unis imposent depuis ce mercredi 12 mars des droits de douane de 25 % sur l’ensemble des importations d’acier et d’aluminium, y compris de France. Ce même jour, Bruxelles a rétorqué en annonçant de nouveaux tarifs douaniers de 50 % sur le whisky américain, majoritairement du bourbon, ainsi que sur les bateaux et motos américains. Puis Donald Trump a surenchéri avec ces désormais fameux 200 % de taxes sur l’importation de vins et spiritueux aux États-Unis, menace ultime qui a sérieusement mis en émoi le secteur, en France et en Europe.
«On ne peut plus importer de vins, c’est fini»
Les exportateurs de vins et spiritueux se retrouvent avec l’impression d’être instrumentalisés. «On en a assez d’être sacrifié systématiquement pour des sujets sans rapport avec les nôtres», a par exemple déclaré Nicolas Ozanam, directeur général de la Fédération des exportateurs de vin et spiritueux (FEVS) à l’AFP. Même son de cloche du côté des importateurs français installés outre-Atlantique. «On ne peut plus importer de vins, c’est fini», s’alarme auprès du Figaro Jean-François Bonneté, qui exerce depuis 25 ans. «Ça va dynamiter le business très puissant de l’Hospitality», ajoute-t-il.
À n’en pas douter, un tel niveau de taxation pourrait avoir des conséquences très sérieuses sur tout un pan de l’économie américaine. «Ces tarifs proposés représentent des menaces importantes pour les entreprises et les employés des deux côtés de l’Atlantique et porteront préjudice aux agriculteurs, aux serveurs, aux barmans, aux chauffeurs de camion et aux employés du commerce de détail, tout en privant les consommateurs de produits qu’ils connaissent et apprécient», a fait savoir, dans un communiqué, l’association professionnelle américaine Distilled Spirits Council of the United States, qui s’oppose aux droits de douane. Nous exhortons les États-Unis et l’UE à s’abstenir d’imposer ces droits de douane et à engager des négociations pour résoudre les problèmes commerciaux sous-jacents concernant l’acier et l’aluminium.»
Quel est le poids de l’UE dans les exportations de whisky américain ?
Pourtant, dans un passé encore très récent, les échanges commerciaux entre l’Europe et les États-Unis ne se sont jamais mieux portés. En 2023, selon Eurostat, la valeur totale des exportations des produits provenant de l’UE vers les États-Unis était de 503,7 milliards d’euros et les importations représentaient de leur côté 347 milliards. Pour ce qui est des alcools, les États-Unis représentaient, en 2023, le premier marché étranger de l’UE avec près de 10 milliards de dollars exportés selon l’OMC (Organisation mondiale du commerce). La France, elle, a exporté aux États-Unis près de 3,9 milliards d’euros d’alcool en 2024 selon les douanes françaises et la FEVS.
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Cette guerre commerciale pénalise donc Européens et Américains, mais à quel point ? Selon DISCUS – la fédération américaine du secteur des spiritueux –, l’UE reste le premier marché d’exportation de whisky américain. Lors de la première mise en place par Bruxelles des 25% de droits de douane sur le bourbon, en réponse aux taxes de Donald Trump entre 2018 à 2021, les exportations du plus fameux des «whiskeys» américains avaient chuté de 20 %, passant de 552 millions de dollars à 440 millions de dollars. Ces dernières années – sous la présidence de Joe Biden et avec la suspension de ces droits de douane –, les exportations de whisky américain vers l’UE ont bondi de près de 60 %, passant de 439 millions de dollars en 2021 à 699 millions de dollars en 2024. De quoi affoler les producteurs américains, dont certains se sont mis en tête d’exporter un maximum de stock en Europe d’ici au 1er avril, date théorique de la mise en place des droits de douane. «Nous avons travaillé avec nos distributeurs à l’étranger pour leur faire comprendre que nous voulions rester sur le marché», a déclaré à Bloomberg TV Sonat Birnecker Hart, cofondatrice de la distillerie Koval, basée à Chicago.