VIDEOS. "Votre agresseur d'hier ne peut être votre gardien aujourd'hui" : un documentaire décrit la propagande antifrançaise de la Russie en Afrique

Du Burkina Faso à la Côte d'Ivoire, du Sénégal au Tchad, du Mali au Niger, le sentiment antifrançais a considérablement grandi dans ces pays ces cinq dernières années. Un documentaire intitulé France-Afrique : le divorce ?, réalisé par Alexandra Jousset et Ksenia Bolchakova, diffusé dimanche 22 juin à 21h05 sur France 5, retrace l'histoire de la "Françafrique", interroge les séquelles de la colonisation et explique le désamour récent vis-à-vis de la France.

Dès 2020, des manifestations hostiles à la France ont pris corps au Mali. En 2022, l'ambassade de France a été prise pour cible au Burkina Faso. Puis, en 2023, le Niger a sommé l'ambassadeur de France de quitter le pays. Des ruptures provoquées par des coups d'Etat successifs, mais aussi portées par les désillusions et le ressentiment des populations africaines à l'égard d'une gouvernance démocratique qui n'a pas tenu ses promesses.

Les causes de ces tensions sont multiples, comme l'évoque le documentaire : le double jeu de dirigeants français qui prônent la démocratie tout en soutenant des autocrates, une gestion jugée trop sécuritaire de la lutte contre le jihadisme qui a prolongé la présence militaire de la France sur leurs sols et une politique de limitation de l'immigration qui a engendré d'énormes frustrations à l'égard de la France.

"Nous ne sommes pas dans le fair-play"

Mais à ces motifs s'ajoute surtout le travail de sape savamment orchestré par la propagande russe qui a encouragé la montée de ce sentiment antifrançais. En 2019, Vladimir Poutine organise le premier sommet Russie-Afrique à Sotchi afin de se rapprocher des dirigeants africains et d'imposer la présence russe sur le continent en leur promettant liberté et souveraineté et en dénonçant avec force le colonialisme des Occidentaux.

Afin de discréditer la France, Vladimir Poutine n'hésite pas à utiliser la désinformation. De faux médias voient le jour et diffusent massivement en Afrique la parole du Kremlin. Parmi eux : African initiative, une agence de presse de propagande traduite en plusieurs langues. "C'est une sorte de galaxie, un système, une grosse machine qui vise à attaquer les pays occidentaux dont la France et qui vise à imposer les narratifs russes au sein des opinions publiques africaines", explique le général Pascal Lanni dans le documentaire.

Le rédacteur en chef de ce site, Artyom Kureev, s'avère être un agent du FSB, les services secrets russes, note le documentaire. "Cette organisation est d'une manière ou d'une autre affiliée au pouvoir russe, au Kremlin. Il serait idiot de penser le contraire", confirme Sergey Eledinov, ancien membre des forces spéciales russes, devenu correspondant de ce média à Dakar (Sénégal) depuis plusieurs années.


Sergey Eledinov est l'un des artisans de la propagande antifrançaise sur le terrain. Tous ses articles et reportages accablent systématiquement l'Hexagone, rendu responsable des maux de l'Afrique de l'Ouest. "Nous ne sommes pas dans le respect des règles sportives ou le fair-play, assume Sergey Eledinov. La partie qui se joue ici est tellement sale, que si vous connaissez un point faible, c'est là que vous devez frapper."

"La solution russe, c'est du néocolonialisme"

Portée par des blogueurs et influenceurs maliens, ivoiriens, centrafricains, recrutés et payés par Moscou afin d'inonder les réseaux de griefs envers la France, cette guerre d'influence a également pour relais de nombreux soldats africains formés par des mercenaires russes, issus de la milice privée Wagner, remplacée récemment par le groupe "Africa Corps". Mais Moscou trouve surtout des soutiens importants auprès de certains dignitaires africains.

L'ancien ministre ivoirien Ahoua Don Mello est désormais l'un des représentants des Brics pour l'Afrique Centrale et occidentale, chargé de faire la promotion du panafricanisme. Il est surtout conseiller en charge des investissements russes en Afrique. Ahoua Don Mello assume la rupture avec la France : "Le divorce entre la France et l'Afrique est inévitable. Pourquoi ? Parce que votre agresseur d'hier ne peut être votre gardien aujourd'hui. La Russie n'a mené aucune guerre en Afrique, (...) c'est le CV qu'il nous faut en Afrique pour nous battre pour notre souveraineté."

Mais selon Emmanuel Macron, qui témoigne dans le documentaire, la Russie est davantage une source de déstabilisation pour l'Afrique qu'un réel sauveur : "La solution que propose la Russie directement, ou par le biais de Wagner, c'est du néocolonialisme, estime le président français. Elle vous sécurise comme dirigeant. (...) Et puis elle prend vos mines, elle prend votre système d'information et elle met le pays sous cloche. (...) Ce n'est pas de l'aide au développement."


Le documentaire France-Afrique : le divorce ? réalisé par Alexandra Jousset et Ksenia Bolchakova est diffusé dimanche 22 juin à 21h05 sur France 5 et sur la plateforme france.tv.