VIDEOS. Guerre en Ukraine : un documentaire montre comment la Russie a déporté des milliers d'enfants ukrainiens

Ils sont les oubliés d'une guerre qui dure depuis près de trois ans : les enfants et adolescents ukrainiens, victimes silencieuses d'un conflit qui frappe sans distinction d'âge et crée des orphelins et des déportés. Une jeunesse ukrainienne meurtrie sur laquelle se penche un documentaire, intitulé Ukraine, l'enfance volée, réalisé par Tetiana Pryimachuk et Philippe Lagnier, diffusé dimanche 16 février à 21h05 sur France 5. Le film décrit la prise en charge physique et psychologique de ces enfants alors que certains sont victimes de stress post-traumatique. Il recueille également le témoignage d'adolescents déportés en Russie pendant cette guerre, qui n'ont pu revenir dans leur pays que grâce à la mobilisation d'ONG ukrainiennes.

"Certains sont devenus prorusses"

Ilona a aujourd'hui 17 ans. Elle vivait dans le sud de l'Ukraine lorsqu'elle a été arrachée à sa mère, au début du conflit, par les autorités russes. Envoyée en Crimée pour une semaine de supposées vacances, comme des centaines d'autres enfants et adolescents, la jeune fille a ensuite été transférée sur le territoire russe pendant deux ans et demi. Grâce à une association pionnière dans le rapatriement d'enfants, Save Ukraine, fondée par Mykola Kuleba, Ilona a pu être retrouvée et exfiltrée vers son pays d'origine.

Elle témoigne de la volonté des Russes d'endoctriner les enfants volés et adoptés de force. "Certains ont été influencés et sont devenus prorusses, explique Ilona dans le film. On m'a forcée à prendre un document russe avec une autre date de naissance, ils m'ont dit que je devrais vivre avec." Lorsque la jeune fille fait part de son désir de revenir dans son pays et de retrouver sa mère, ses "kidnappeurs" lui rétorquent : "Oublie ça."

En dépit de diverses médiations internationales, d'accusations de crimes de guerre par l'ONU et de plaintes de diverses associations auprès de la Cour pénale internationale à l'encontre de Vladimir Poutine au sujet de ces déportations, les autorités russes se refusent à renvoyer ces enfants en Ukraine. Ils brouillent les pistes en changeant leurs prénoms et leurs dates de naissance, une façon d'effacer leur identité, leurs racines et tous liens avec leur pays d'origine. Pour autant, les ONG continuent d'en rapatrier, tout en se gardant de dévoiler leur mode opératoire.

"La Russie est confrontée à une énorme crise démographique et elle reconstitue sa population grâce aux enfants ukrainiens. La Russie a un plan : la militarisation de ces enfants pour qu'ils deviennent des soldats russes et combattent contre l'Ukraine."

Mykola Kuleba, fondateur de l'association Save Ukraine

dans le documentaire "Ukraine, l'enfance volée"

"On nous disait qu'on était des nazis"

Rostyslav, lui, a échappé de peu à un enrôlement dans l'armée russe. Le jeune homme vit avec sa mère malade près de Kherson lorsque l'armée russe l'envoie, comme Ilona, dans une colonie de vacances en Crimée, sous prétexte de le mettre en sécurité. Il est conduit ensuite dans un collège militaire en Russie où il reste un an. "Ils nous disaient qu'il fallait parler russe, pas ukrainien, se souvient-il. Pendant les cours, on nous parlait de la guerre : comment arrêter un char, comment était faite une grenade."

Un passeport russe, 100 000 roubles et un appartement sont proposés au jeune homme de 18 ans, selon son témoignage. Les gages d'une vie meilleure, dans un pays qui distille sa propagande. "On nous disait que l'Ukraine avait attaqué la Russie, qu'on était des nazis. Ce qui me faisait le plus peur, c'était de rester là-bas, de ne plus revenir chez moi et qu'on m'envoie à la guerre pour me battre contre mon pays." Grâce à l'ONG Save Ukraine, le jeune homme réussit finalement à rentrer dans son pays. Selon la réalisatrice Tetiana Pryimachuk, 523 enfants sur 19 546 jeunes déportés en Russie sont revenus en Ukraine depuis.


Le documentaire Ukraine, l'enfance volée, réalisé par Tetiana Pryimachuk et Philippe Lagnier, est diffusé dimanche 16 février à 21h05 sur France 5 et sur la plateforme france.tv.