Retraites : les députés de gauche prêts à censurer le gouvernement Bayrou, le RN se défile

Faute d’accepter de revenir sur la réforme des retraites de 2023, le gouvernement de François Bayrou entre en zone de turbulence. Le député communiste Stéphane Peu a informé que les groupe GDR, qu’il copréside, et Écologiste et social initieront une « motion de censure sur la réforme des retraites ». Celle-ci fait suite à l’adoption, le 5 juin, d’une résolution des députés GDR demandant l’abrogation de la réforme qui a porté l’âge de départ en retraite de 62 ans à 64 ans. « Le vote de l’Assemblée oblige le gouvernement à en tenir compte », insiste Stéphane Peu. Ce texte demande un retour de la réforme devant le Parlement ou la convocation d’un référendum.

Cette motion proposée par les deux groupes centraux au sein du Nouveau Front populaire (NFP) a vocation à être portée par toute la gauche. « Nous voulons une motion de censure du NFP uni, sans enfantillage ni sectarisme entre nous, avec une écriture qui nous rassemble. Aussi, avec nos collègues GDR, nous sommes prêts à prendre la plume », avance Benjamin Lucas, porte-parole du groupe Écologiste et social. L’idée étant de dépasser les relations tendues entre le PS et LFI, quand bien même les deux groupes soutiennent une censure du gouvernement.

Dès lundi soir, la présidente du groupe LFI Mathilde Panot a d’ailleurs écrit à l’ensemble des groupes de gauche pour censurer le gouvernement. Tout en envoyant des piques au PS qui, ayant obtenu de François Bayrou un conclave en janvier dernier, avaient refusé de censurer le premier ministre. Cette « non-censure par le PS a permis de cacher le fait que c’est le RN qui permet par son soutien sans participation au gouvernement la poursuite de la politique macroniste et l’avènement du pire budget », a regretté la députée LFI mardi.

« Le RN est le meilleur allié du gouvernement »

Du côté du PS aussi, l’idée est désormais de faire tomber François Bayrou. Le premier ministre « s’était engagé par écrit à ce que le Parlement ait le dernier mot », à l’issue du conclave, a rappelé le premier secrétaire du PS Olivier Faure mardi matin. Devant le refus l’après-midi de François Bayrou de présenter à l’Assemblée un texte permettant de revenir sur la mesure d’âge, Boris Vallaud a lâché dans l’hémicycle : « Cela nous conduira à déposer une motion de censure contre votre gouvernement. »

Pour autant, ces démarches à gauche pourraient être sans effet. Si de manière démagogique, le Rassemblement national (RN) s’est opposé à la réforme d’Élisabeth Borne, il donne désormais tous les signes qu’il refuse de faire tomber le gouvernement sur la question des retraites.

Le 16 juin sur RTL, son président Jordan Bardella déclaré que « le moment de vérité pour la censure, ça va être le budget », laissant l’exécutif en mode survie jusqu’à l’automne. Cette motion de censure permettra donc de faire la lumière. « Le RN est le meilleur allié du gouvernement », a lâché salle des Quatre colonnes Arthur Delaporte, porte-parole du groupe socialiste.

Une « grande complicité entre patronat et gouvernement »

En attendant, l’exécutif tente de sauver les meubles. D’autant plus que François Bayrou commence à être contesté par certains députés macronistes ou partisans d’Édouard Philippe (Horizons). « Je ne peux pas accepter sans réagir qu’on se satisfasse d’échouer si près du but », a-t-il déclaré, convoquant ce mardi à Matignon les syndicats et le patronat pour trouver une entente a minima sur les carrières hachées des femmes et la prévention de la pénibilité. Sans succès à l’heure où nous écrivions ces lignes.

En réalité, François Bayrou a été le fossoyeur du conclave qu’il a lui-même convoqué, écartant dès le 16 mars toute évolution sur l’âge de départ. Cela avait entraîné le départ des discussions de la CGT. Pis, le premier ministre a accordé de facto un droit de véto au Medef qui refuse à l’unisson de l’exécutif toute hausse des cotisations patronales et salariales au nom de la « compétitivité ». Bayrou a en effet prévenu que faute d’accord, la réforme de 2023 s’appliquerait telle quelle.

« Cela montre la grande complicité entre patronat et gouvernement, tranche Stéphane Peu. Puisque depuis le début du conclave, le Medef veut un statu quo, le premier ministre lui a donné la feuille de route : ne pas donner d’issue au conclave. » Un constat partagé par Benjamin Lucas : « Si François Bayrou voulait un accord, il aurait mis la pression sur le Medef. »

Une « règle d’or »

Si la gauche est à l’offensive sur les retraites, la droite ne l’est pas moins. Le patron du Medef Patrick Martin, l’ancien premier ministre Édouard Philippe, la porte-parole (LR) du gouvernement Sophie Primas, le député d’extrême droite Éric Michoux (UDR) ont tous proposé l’instauration d’une dose de retraite par capitalisation courant juin. Candidat à la présidentielle de 2027, mardi, Dominique De Villepin a proposé d’abandonner l’âge de départ à 64 ans, au profit d’une retraite à points, un projet selon lui « saboté par Édouard Philippe ». Sa réforme, qui prévoit une restauration des critères de pénibilité, a des contours encore flous mais semble compatible avec la loi Touraine adoptée en 2014 sous François Hollande et qui exigeait 43 annuités pour partir à taux plein.

Ce mardi, Perrine Goulet, porte-parole du groupe Modem, et Paul Christophe, président du groupe Horizons ont, chacun, évoqué face à la presse la possibilité de laisser gérer le système de retraite par les partenaires sociaux. Leur modèle, sous couvert de « confiance en le dialogue social », vient des caisses de retraites complémentaires Agirc et Arcco. Patronat et syndicats ont « su y prendre des décisions difficiles », vante Paul Christophe : un frein à l’augmentation du point (qui fixe la rémunération) et une décote pour les départs en retraite avant 67 ans. En réalité, l’Agirc et l’Arcco sont régies par une « règle d’or » qui les empêche de s’endetter. Dans un contexte où le patronat fait usage d’un droit de véto pour refuser toute augmentation des cotisations, les syndicats y gèrent la pénurie. Le modèle de la droite est un conclave permanent où règne la liberté du renard dans le poulailler. Et la bataille des retraites, plus que jamais, est partie pour continuer.

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