Retraites : François Bayrou rattrapé par la censure après un conclave sans miracle
Beaucoup de bruit pour rien, ou pas grand-chose ? Le conclave de renégociation de la réforme des retraites de 2023 joue sa réunion de la dernière chance, ce lundi 23 juin. Un ultime rendez-vous qui clôt un cycle de discussions démarré en février, selon la volonté du premier ministre François Bayrou, répondant là à une demande des syndicats, toujours opposés à cette réforme adoptée au forceps.
Il s’agissait aussi de satisfaire une exigence des députés socialistes, qui s’étaient appuyés sur la constitution de ce conclave pour justifier leur non-censure du gouvernement sur le vote du budget, cet hiver.
Mais cette tentative de relancer le dialogue social, après des années de mépris manifeste du pouvoir contre les corps intermédiaires, risque d’accoucher d’une souris, alors que FO et la CGT a depuis longtemps quitté la table des négociations et que même le Medef a hésité à bouder le dernier round de ce lundi.
Au final, le patronat sera bien là et devrait lâcher une nouvelle salve de propositions, sans grande chance qu’elles aboutissent à un accord au-delà peut-être de quelques aménagements, sur la pénibilité, l’âge de départ à taux plein ou encore le niveau de pension des femmes. François Bayrou a bien tenté de sortir une ultime idée de son chapeau, avec une prime pour les seniors qui continuent de travailler au-delà de 64 ans, sans convaincre.
Le Medef refuse, par ailleurs, toute concession sur la question des cotisations patronales : « Nous n’allons pas dégrader la compétitivité française alors que nous sommes entrés dans une guerre commerciale mondiale infernale », a argué Patrick Martin, son président.
Une résolution contre la réforme votée à l’Assemblée
Pas de quoi permettre à François Bayrou de soumettre un projet de loi fruit d’un consensus, comme il s’y était engagé, ni de satisfaire la gauche. « Nous ne serons pas son assurance-vie. S’il se parjure (en ne soumettant pas de texte dans l’Hémicycle – NDLR), nous le censurons », a prévenu le premier secrétaire socialiste, Olivier Faure.
« La censure sera évidemment sur la table, si on en reste là », confirme le porte-parole du PCF, Ian Brossat, qui dénonce un « conclave sur mesure pour satisfaire le Medef ». Si la gauche venait à le censurer d’une seule voix, les regards se tourneront à nouveau vers le Rassemblement national, qui aura alors le choix de sauver ou non le scalp du premier ministre.
Les parlementaires des groupes élus sous l’étiquette Nouveau Front populaire espèrent un vote sur les retraites avec d’autant plus de force qu’entre-temps, le 5 juin, l’Assemblée nationale a voté, à l’initiative du groupe GDR, une proposition de résolution d’abrogation de la réforme des retraites. Un scrutin non contraignant, mais qui a permis aux oppositions de maintenir la pression.
C’est, en outre, la première fois que l’Hémicycle a pu se prononcer directement sur le projet de loi, adopté par 49.3. « Cela a permis de déjouer l’obstruction du bloc central et de dénoncer une réforme brutale, qui est la plus grande blessure démocratique depuis le référendum de 2005 », s’est félicité le communiste Stéphane Peu, coprésident du groupe GDR.
« Concéder des miettes pour mieux graver dans le marbre les 64 ans »
Il faut dire que le premier ministre a bien failli tuer dans l’œuf toute l’entreprise, dès le mois de mars. « Je ne crois pas que qui que ce soit puisse prétendre qu’on peut revenir à la retraite à 62 ans », avait alors déclaré François Bayrou, étouffant de fait tout débat sur le point le plus sensible du texte : l’âge de départ à 64 ans.
FO puis la CGT ont alors claqué la porte du conclave pour ne plus y revenir, le considérant « enterré ». « La stratégie du patronat, c’est de concéder des miettes pour mieux graver dans le marbre les 64 ans », a depuis dénoncé la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.
La question est d’autant plus sensible que certains, à droite, en ont profité pour surenchérir, quitte à polluer les travaux du conclave. Les effets du passage en force de la réforme n’ont pas fini de cicatriser dans l’électorat que déjà certains cadres libéraux proposent de repousser l’âge de départ encore plus loin.
À l’Assemblée, le député macroniste Pierre Cazeneuve a déposé une proposition de loi pour travailler jusqu’à 65 ans. Candidat à la présidentielle, l’ex-premier ministre Édouard Philippe a d’ores et déjà fait de l’introduction d’une part de capitalisation sur les retraites, à hauteur de 15 %, un marqueur de sa campagne – sans quoi selon lui il faudrait repousser le départ à 67 ans.
François Bayrou, qui espérait précisément se démarquer des autres poids lourds de la Macronie en redonnant la parole aux syndicats (tout en limitant au maximum le cadre de la discussion), pourrait donc subir un sérieux revers avec ce conclave. Duquel émane une fumerolle de soufre, à défaut d’une fumée blanche.
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