François Bayrou lance le chantier de la proportionnelle… à ses risques et périls

Elle est passée par ici, elle repasse par là. La question d’une réforme du mode de scrutin législatif à la proportionnelle, promesse d’Emmanuel Macron en 2017, revient. Le premier ministre, François Bayrou, recevra à partir de mercredi 30 avril les chefs de parti et de groupe parlementaire pour les consulter « un à un ».

Le but : aller vers « plus de proportionnelle », revendique-t-on dans son entourage, pour un « atterrissage au plus tard à l’automne ». « Reste à déterminer la forme, observait il y a peu Patrick Mignola, ministre des Relations avec le Parlement, auprès du Journal du dimanche. Régionale ? Départementale ? Mixte ? Nous aurons ce débat. »

L’équation est complexe pour le chef du gouvernement, qui ne pourra contenter l’ensemble des forces politiques. Au sein du « socle commun », plusieurs positions cohabitent. « Les Républicains » (LR) comme Horizons sont opposés à cette possibilité, y voyant une atteinte à la Ve République, tandis que les parlementaires Renaissance sont extrêmement divisés sur la question.

Chez ces derniers, certains, comme Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, militent pour une proportionnelle uniquement dans les départements de moins de onze députés, pendant que d’autres la souhaitent partout, à l’instar de leurs alliés du Modem. Mais plusieurs macronistes sont complètement contre au motif qu’il ne « s’agit pas d’une priorité pour les Français ». « Une position de groupe doit aboutir d’ici à l’été », nous confie un cadre. En janvier, un groupe de travail sur les questions institutionnelles a été lancé par Gabriel Attal et confié à Pierre Cazeneuve dans le but de trancher la question.

Un retour aux modalités de 1986 envisagé

Au-delà, le Rassemblement national (RN) entend faire pression sur François Bayrou pour obtenir, dans le cadre de cette réforme, une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête. Sans cela, les troupes de Marine Le Pen pourraient décider de censurer le gouvernement. La gauche, elle, attend majoritairement un retour à la formule appliquée lors des élections législatives de 1986. À savoir : un scrutin sur la base de listes départementales. Les écologistes se distinguent toutefois en souhaitant que l’échelle régionale soit privilégiée.

Un rétablissement des modalités de 1986 aurait les faveurs du premier ministre, jugeant qu’il s’agirait de l’option présentant le plus de chances d’être adoptée… même par ceux qui sont aujourd’hui opposés au principe ! En effet, du côté des LR, plusieurs parlementaires confient à l’Humanité pouvoir éventuellement accepter de voter une telle réforme « à contrecœur », mais à une seule condition : « Que le non-cumul des mandats soit enterré par la même occasion. » En décembre, François Bayrou avait déclaré vouloir ouvrir un débat en ce sens.

Pourtant, le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, s’est de son côté montré inflexible ce dimanche à l’antenne de BFMTV. Allant jusqu’à appeler Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, « qui sera chargé de faire appliquer cette réforme » en cas d’adoption, à « imposer au premier ministre l’abandon de cette proposition ».

« La proportionnelle, c’est institutionnaliser le chaos politique », a-t-il martelé. Non sans calcul stratégique, en pleine campagne pour la présidence du parti face à l’hôte de Beauvau. Un sac de nœuds avec lequel François Bayrou va devoir composer pour faire de cette arlésienne une réforme effective. D’autant plus que même un ministre nous souffle : « La proportionnelle, j’y suis opposé, quelle que soit la formule envisagée. »

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