Scrutin proportionnel : arguments politiques et mathématique électorale

La déclaration de politique générale de François Bayrou ne pouvait faire l’impasse sur un sujet de mathématique électorale qui lui est cher (et à moi aussi d’ailleurs) : la proportionnelle ! On le sait depuis Condorcet : il y a tant de façons de voter, aucune n’est parfaite, et le choix du scrutin implique arguments politiques et mathématiques.

Règle 1. Scrutin proportionnel plus représentatif que le majoritaire ; et, en majoritaire, moins il y a de circonscriptions, moins c’est représentatif. Exemple idéalisé : 4 circonscriptions, 2 partis, le parti A obtient 51 % des voix dans trois des « circos » et 49 % dans la quatrième. À la proportionnelle, cela fera 2 sièges chacun. Mais en majoritaire, 3 sièges pour le parti A ; et si l’on fusionne les 4 circos, le parti B ne sera juste pas représenté.

Règle 2. Le scrutin majoritaire tempère les trop forts ou trop faibles scores pour les partis géographiquement concentrés. Exemple : 10 circos, chacune a 10 % des électeurs et élit 1 député, le parti A fait 60 % dans 2 circos, 0 ailleurs. En proportionnelle, A obtient 1 seul député, en majoritaire il en a 2. (Vérifiez !) Autre exemple : le parti A fait 51 % des voix. En scrutin majoritaire, il aura entre 1 et 10 sièges, en fonction de la géographie des votes. Mais en proportionnelle, il en aura toujours 5.

Règle 3, cruciale mais plus dure à illustrer. La proportionnelle est plus évolutive et dynamique, aidant l’émergence de nouvelles offres.

Partout dans le monde on a expérimenté des combinaisons variées de scrutins proportionnel et majoritaire : ainsi le système allemand, devenu mon chouchou quand j’ai approfondi le sujet au Parlement, est un scrutin mixte avec compensation intégrale. En fait la France est aujourd’hui LE SEUL pays de l’Union européenne à être resté bloqué sur le scrutin majoritaire, et cela bien que le jeu politique y soit résolument multipartite. Une sorte de singularité politique paradoxale comme nous en avons le secret. Pourtant les études sur le sujet abondent, comme celles de Terra Nova, nourries par l’histoire et les statistiques.

Et, au fait, voilà longtemps que les mathématiciens s’y frottent ! Il y a un siècle déjà, les illustres Émile Borel et Émile Picard bataillaient pour la « RP » (représentation proportionnelle) ; aujourd’hui au CNRS ce sont Michel Balinski, Rida Laraki ou encore David Chavalarias qui militent pour le jugement majoritaire. Mais, côté politique, c’est un long feuilleton stagnant, illustrant cette particularité française que le monde entier nous envie : la capacité de débattre à l’infini sans jamais se décider.

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