Face au « diktat » de Donald Trump, la France et l’UE se présentent en sauveurs de la Recherche

C’est sous les lambris du grand amphi de la Sorbonne qu’Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen ont lancé, ce lundi 5 mai, dans le cadre de la conférence Choose Europe for Science, un « Appel de la Sorbonne », qui s’adresse aux chercheurs étrangers, particulièrement menacés aux États-Unis par les politiques de l’administration Trump.

But affiché par l’Élysée : « Dans un moment où les libertés académiques connaissent un certain nombre de reflux ou de menaces, l’Europe est un continent d’attractivité. » Il s’agirait en quelque sorte de donner des leçons à l’Amérique de Trump, qui fait une « énorme erreur », selon Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen, et de célébrer l’Europe, terre d’accueil et d’attractivité, en se drapant dans les valeurs de liberté, d’ouverture, et de coopération.

De multiples atteintes à la liberté académique

Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, chercheurs et universités sont dans le collimateur de son administration qui conduit des attaques massives contre les sciences, coupant à la tronçonneuse dans les budgets et dans les effectifs. Les chercheurs dénoncent aussi les multiples atteintes à la liberté académique. « De toute l’histoire des États-Unis, et peut-être de toute l’histoire des démocraties, c’est pire encore que sous le maccarthysme », avait confié Cédric Villani à l’Humanité dans un entretien le 8 mars. Un sondage montre que les trois quarts des scientifiques qui travaillent là-bas envisagent de quitter leur pays. Face à cette offensive obscurantiste et liberticide, est né aux États-Unis le mouvement Stand Up for Science. Et une première journée mondiale de « soutien » aux sciences et à la recherche a été organisée le 7 mars.

Sous couvert de sauver les chercheurs américains, le président de la République en a profité, à coups de phrases grandiloquentes, pour annoncer une réforme en profondeur du système de recherche. Il a insisté sur le lien de celle-ci avec l’efficacité et l’efficience économique, dans la foulée du rapport Draghi sur la compétitivité européenne.

Emmanuel Macron annonce un nouvel investissement de 100 millions d’euros

Concrètement, le programme de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation, Horizon Europe, sera abondé de 500 millions d’euros, a annoncé Ursula von der Leyen. Il s’agira surtout de soutenir les fameux LabEx, des laboratoires d’excellence au niveau européen. Dix grands secteurs ont déjà été sélectionnés, appelés « chantiers du siècle pour l’Europe » dans des domaines critiques, parmi lesquels les maladies infectieuses, le spatial, l’intelligence artificielle, l’économie circulaire, le nucléaire, le climat, l’électronique.

Pour la France, le locataire de l’Élysée a annoncé 100 millions d’euros supplémentaires dans le cadre du programme France 2030. La plateforme Choose France for Science indique que l’État pourrait abonder jusqu’à 50 % de certains projets de recherche, au mérite. Mais on ne sait rien sur l’affectation de ces éventuels millions d’euros : pour quels programmes, décidés par qui, pour quels types de poste et sur quelle durée ? Sachant que la recherche n’a de sens que sur le long terme.

En France, les institutions de recherches en difficulté

L’initiative suscite la colère des syndicats français de l’enseignement supérieur et de la recherche qui la jugent « choquante, voire indécente ». Ils dénoncent le « sous-financement chronique » du secteur, des « regroupements forcés » d’établissements, mais aussi « des atteintes quasi incessantes à la liberté académique ».

En France, les institutions du savoir sont attaquées. Depuis une vingtaine d’années, on assiste à une suppression progressive des postes et une compétition accrue entre les personnes, les territoires ou les disciplines scientifiques. Quant aux universités, elles font face à un sous-financement chronique. « Pour ceux qui restent, il faut subir un contrôle des activités de plus en plus lourd, et des moyens de plus en plus maigres. Quel est l’horizon qu’on défend avec une telle politique ? » interroge Olivier Berné, astrophysicien, co-initiateur du mouvement Stand up for Science en France.

En France aussi, les attaques sur un prétendu « wokisme » ou « islamogauchisme » se multiplient à l’université. Or pour fonctionner, les sciences doivent disposer de la liberté académique qui devrait être inscrite dans la Constitution. Quand on constate l’état de la recherche et de l’enseignement supérieur, on peut s’interroger sur les prétentions de la France et de l’Europe à s’autoproclamer le « refuge » des scientifiques. En effet, les rémunérations et les montants consacrés à la recherche sont très en deçà de ceux des États-Unis. Il faut rappeler que les dépenses liées à la R & D en France s’élèvent à 2,18 % du PIB en 2022, plaçant notre pays derrière la Corée du Sud (5,2 %), les États-Unis (3,6 %), la Suède (3,5 %), le Japon (3,4 %), l’Allemagne (3,1 %) et le Royaume-Uni (2,7 %).

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