Cessez-le-feu, relations avec Donald Trump, réarmement de l'Europe... Ce qu'il faut retenir de l'interview de Volodymyr Zelensky sur France 2
Cinquante minutes d'entretien et beaucoup de messages à destination de ses alliés européens. Volodymyr Zelensky a répondu aux questions de quatre journalistes du Vieux continent, mercredi 26 mars. Face à Caroline Roux pour France 2, Jeremy Bowen (BBC), Jessy Wellmer (ARD) et Joakim Klementi (Radio-télévision publique estonienne), le dirigeant a répété ses demandes : des garanties de sécurité, le soutien des alliés occidentaux "pour l'Ukraine d'aujourd'hui et de demain", ainsi que le respect par la Russie des accords de trêve partielle négociés par l'intermédiaire des Etats-Unis. Le président ukrainien a aussi livré sa vision du conflit, de la diplomatie américaine et du régime de Vladimir Poutine. Voici ses principales déclarations.
Le cessez-le-feu en mer Noire "est surtout important pour les Russes"
Interrogé sur la volonté affichée par Moscou et Kiev de mettre en œuvre un cessez-le-feu partiel en mer Noire, Volodymyr Zelensky a nuancé le besoin de cette trêve côté ukrainien. "Le cessez-le-feu en mer Noire est surtout important pour les Russes", a-t-il déclaré, expliquant que "cela fait longtemps qu'ils ne contrôlent plus" ce couloir maritime.
Alors que Kiev s'estime en position de force selon Volodymyr Zelensky, la Russie se montrerait trop gourmande dans les négociations : "Nous sommes d'accord concernant la mer Noire, mais [les Russes] veulent passer directement au contrôle des couloirs de transport de denrées alimentaires", a-t-il alerté, assurant toutefois qu'ils "n'y arriveront pas".
La Maison Blanche est "sous l'influence du narratif russe"
Un mois après sa violente altercation publique avec le président américain Donald Trump et son vice-président, J.D. Vance, Volodymyr Zelensky a été interrogé sur le rapprochement apparent entre les Etats-Unis et la Russie. Il a notamment jugé que Steve Witkoff, l'envoyé spécial de Donald Trump sur la situation en Ukraine, reprenait "assez souvent" le discours du Kremlin. "Cela va affaiblir la pression des Américains sur la Russie", a-t-il déploré, après avoir déclaré que le gouvernement américain se trouve de façon générale "sous l'influence du narratif russe".
Questionné sur sa vision des relations américano-ukrainiennes, et s'il juge le nouveau président américain "fiable", Volodymyr Zelensky a joué la carte de la mesure : "Aujourd'hui, il a débloqué l'aide et je voudrais croire qu'il ne l'a pas fait par hasard, parce qu'il comprend la menace qui pèse sur nous."
Vladimir Poutine "n'a peur que de la société russe"
Alors que sur la scène internationale, le maître du Kremlin semble n'écouter personne depuis plus d'une décennie, craint-il une puissance ou une situation en particulier ? "Vladimir Poutine n'a peur que de la société russe, qu'elle soit déstabilisée", a estimé Volodymyr Zelensky, prévenant que "malheureusement, personne ne peut avoir une influence là-dessus". Toutefois, certains moyens de pression existent, a-t-il assuré, comme les sanctions économiques.
Une autre peur de Vladimir Poutine, aux yeux du président ukrainien, serait "de perdre son pouvoir". "Il est question de la stabilité [de la Russie], mais aussi de son âge. Il va mourir bientôt, c'est un fait, et tout sera terminé", veut croire Volodymyr Zelensky. Vladimir Poutine "peut mettre fin à cette guerre avant de mourir", a-t-il insisté, comme un appel à son homologue.
Les actifs russes gelés pourraient servir "pour des armements"
Le président ukrainien a abordé une autre mesure de rétorsion contre la Russie, à savoir la saisie d'actifs russes gelés dans les pays alliés de Kiev en réaction à l'invasion de février 2022. Cette idée divise encore les Européens, qui se sont contentés, jusqu'à présent, d'utiliser les intérêts générés par ces actifs pour aider l'Ukraine.
"La bureaucratie ralentit tout le processus", a déploré le président ukrainien. "Nous voudrions obtenir les actifs qui ont été gelés, a-t-il demandé. Nous voudrions les dépenser rapidement pour des armements et nous avons aussi dit ouvertement 'Prenons tout cet argent et investissons-le dans la production [d'armes] en Ukraine comme en Europe'."
Le réarmement devra "aller très vite" quand les combats cesseront
"S'il y a un cessez-le-feu, il y aura un temps pour nous renforcer, et il faudra aller très vite", a prévenu Volodymyr Zelensky, faisant au passage un appel du pied à ses alliés européens. Pour le président ukrainien, toute amélioration significative des capacités militaires du Vieux continent, "comme le fait l'Allemagne par exemple", apporterait automatiquement "davantage de garanties (...) que les Russes ne reviennent pas à la guerre, parce qu'ils verront ce qu'ils ont en face."
En cas de cessez-le-feu, "l'Otan est la meilleure garantie de sécurité"
Alors que plusieurs pays européens, emmenés par la France et le Royaume-Uni, se disent prêts à envoyer leurs soldats sur le sol ukrainien en cas de cessez-le-feu, les contours de cette mission de maintien de la paix font encore débat. Pour Volodymyr Zelensky, il n'y a pas photo : "L'Otan est la meilleure garantie de sécurité", a-t-il répété. Toutefois, "les Etats-Unis ne sont pas prêts à franchir ce pas" et à laisser l'Ukraine y entrer, a regretté le président ukrainien.
Afin de protéger son peuple, Volodymyr Zelensky appelle d'ores et déjà ses alliés à l'aider à renforcer la défense anti-aérienne et à "équiper à 100%" les brigades de l'armée ukrainienne, "qui aujourd'hui se dressent contre l'agresseur, entre les Russes et le monde civilisé".