Rencontre Trump-Poutine : "Les États-Unis sont en état de faiblesse", estime le professeur en géopolitique Oleg Kobtzeff

Donald Trump reçoit le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, ainsi qu'une délégation européenne conséquente pour accompagner ce dernier. Oleg Kobtzeff, professeur de géopolitique à l'Americain University of Paris, a été interrogé sur le sujet par Nathalie Layani et Aude Soufi-Burridge dans le "10 minutes info" diffusé sur le canal 16.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Nathalie Layani : Ce message envoyé par l'Europe présente en force à la Maison-Blanche autour de la table des négociations, que veut-il dire ? "Donald Trump, vous ne pourrez pas faire sans nous" ?

Oleg Kobtzeff : Il faudrait même que ça aille plus loin. "Vous ne pourrez pas faire sans nous", ça laisse toujours supposer que les États-Unis, et c'était le but de la rencontre d'Anchorage (Alaska), est encore et toujours, et à nouveau, l'un des deux grands. Les États-Unis ne sont plus un des deux grands. Les États-Unis sont en état de faiblesse. Nous avons vu que Trump n'a absolument rien obtenu à Anchorage, sinon une promesse de se rencontrer à nouveau, peut-être se rencontrer avec Zelensky.

Nous voyons en fait une Amérique en plein recul, volontaire même. On est en train de revenir aux États-Unis des années 20 et 30. Ce qui est mauvais, même pour les États-Unis, puisqu'on sait que dans les années 20 et 30, il y a eu de l'isolationnisme, il y a eu du neutralisme, mais ils ont quand même eu Pearl Harbor le 7 décembre 1941. C'est ça qu'il faut que les Européens rappellent. Est-ce même utile de le rappeler ? Je dirais qu'il faut prendre l'initiative. Ce qu'il faut dire à Trump, c'est : "si tu ne veux pas être vraiment parmi ceux qui vont imposer des mesures absolument indispensables pour la sécurité de l'Europe, retire-toi, ne fais plus la vedette".

Mais pour cela, il faut que les Européens soient d'abord unis, que l'on n'a pas beaucoup vu. Deuxièmement, qu'ils arrêtent d'être forts avec les faibles, comme du temps de Eltsine, et faibles avec les forts, comme depuis le début du conflit, où on envoie gentiment quelques armes pour faire plaisir aux lobbies industriels européens, ou comme si on donnait des petites pièces de monnaie à quelqu'un qui fait la manche dans le métro à la sortie d'une église. Il faut une attitude beaucoup plus ferme. Premièrement, s'affirmer, être unis. Deuxièmement, être beaucoup plus forts. On entend beaucoup plus de voix qui reconnaissent cette urgence.

Demander l'impossible dans les négociations

Donald Trump a publié cette nuit sur son réseau social cette déclaration dans laquelle il exclut un retour de la Crimée sous contrôle ukrainien. C'est ce qui reste vraiment la question épineuse, celle des territoires. C'est non négociable pour l'instant pour Zelensky ?

Il faut que Zelensky réfléchisse au prix que ça coûterait de reprendre ces territoires, rien que du point de vue militaire. La Crimée est exclue, il ne pourra pas la reprendre. Ce qu'il faut demander, s'il y a des négociations, c'est l'impossible. C'est la méthode de l'école Molotov-Gromyko depuis les années 30 jusqu'à presque l'époque Gorbatchev. C'est leur méthode, c'est leur école. Si on ne leur parle pas le même langage, c'est-à-dire demander l'impossible, le retrait immédiat des troupes et céder toute une partie de l'ouest de la Russie à l'Ukraine en compensation pour les dommages causés. Comme ça, il y aurait peut-être un espoir d'arriver à quelques concessions. C'est en étant dur qu'on obtient des concessions.

Pour le moment, il y en a déjà eu. On a remarqué - et ça vient de sources russes, dans les déclarations officielles venant de Russie ou ce qu'on trouve dans les médias - les Russes ont déjà cessé de demander l'impossible. Il y avait des revendications complètement délirantes, comme dénazifier l'Ukraine. Vous voyez Zelensky, juif, petit-neveu de victime de l'Holocauste, se frappant la poitrine en disant "je ne suis plus un nazi, je ne suis plus un nazi". Mais c'est toute la population, il faut lire la presse russe, c'est toute la population ukrainienne qui est accusée de nazisme et on demande qu'elle ne le soit plus.