L’Afrique, nouvelle cible commerciale de Donald Trump

La visite de quatre jours du président sud-africain Cyril Ramaphosa à Washington, qui rencontrait Donald Trump le 21 mai, avait tout de la fable du loup et de l’agneau. Car au-delà des vives tensions entre les deux pays, avec l’accusation en direct de la part du président des États-Unis d’un « génocide » des Blancs afrikaners, le principal enjeu de ce déplacement consistait dans la relation commerciale.

Pour l’Afrique du Sud, il s’agit d’une question cruciale, alors que les États-Unis constituent son second partenaire économique, après la Chine. « Protéger les emplois, accroître l’économie et élargir les opportunités », a avancé le ministre sud-africain de l’Agriculture, John Steenhuisen. Ce qui est loin d’être gagné : Donald Trump, qui avait qualifié en 2018 les pays africains (et Haïti) de « pays de merde », se désintéresse totalement de l’Afrique. Au point d’envisager une suppression pure et simple de toute activité diplomatique sur le continent.

Le commerce remplace la diplomatie

Le 13 mai, lors de son discours à l’Africa CEO Forum, un raout sur le secteur privé surnommé le « Davos africain », le haut responsable au Bureau des affaires africaines du secrétariat d’État états-unien, Troy Fitrell, l’a énoncé haut et fort : « Nous ne considérons plus l’Afrique comme un continent à assister, mais comme un partenaire à part entière. » Traduction : le commerce d’abord, au détriment non seulement de la politique d’aide, mais bel et bien de toute diplomatie. Selon un projet de décret révélé par le New York Times, les États-Unis ont lancé la fermeture pure et simple des ambassades et consulats à travers le continent – ainsi que les bureaux à Washington qui s’occupent du climat, de la démocratie et des droits humains, et des réfugiés.

À la place, les « ambassadeurs » sur le continent africain n’auront qu’une seule mission : « make deals » – faire des affaires. « L’investissement commercial est désormais au cœur de l’action extérieure », a asséné le sous-secrétaire d’État, Christopher Landau. Avec l’ambition, notamment, de contrer l’influence commerciale chinoise en Afrique. En cent jours, les émissaires états-uniens ont déjà signé 33 contrats, pour un montant de 6 milliards de dollars. Le potentiel économique du continent fait saliver l’Oncle Sam, avec 2,5 milliards d’habitants en 2050 et un pouvoir d’achat estimé par les services à 16 000 milliards de dollars. Alors que les exportations américaines représentent seulement 1 % du commerce total des biens en Afrique, la part du gâteau aiguise l’appétit glouton des entreprises et de l’administration Trump.

Autre sujet sur la table : l’accord Agoa, pour « African Growth and Opportunity Act » (Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique), adopté en 2000, sous Bill Clinton. Celui-ci permet aux produits de 54 pays africains d’accéder au marché états-unien sans droits de douane. Il arrive à échéance en septembre 2025. L’enjeu est donc immense, car à l’instar d’autres pays, Troy Fitrell les a menacés d’une guerre commerciale.

L’accès aux ressources minières

Pour les pays africains – à l’exception peut-être des poids lourds que sont l’Afrique du Sud et le Nigeria –, elle se révélerait catastrophique. « Si l’Agoa est renouvelé, je m’attends à ce qu’il reflète les enjeux du monde moderne », a-t-il lancé, avant de préciser qu’il attendait une « forme de réciprocité ». Le rapport de force très déséquilibré a déjà conduit de nombreux pays africains à entamer des discussions bilatérales pour éviter des droits de douane. Troy Fitrell a également annoncé la tenue d’un grand sommet États-Unis – Afrique, à l’automne prochain, où ce sujet sera au centre des négociations.

Une zone attire particulièrement l’attention de l’administration Trump : la région des Grands Lacs, avec, en tête de liste, les minerais de l’est de la RDC. C’est l’unique raison pour laquelle le président américain y a dépêché un émissaire personnel, Massad Boulos, dont le fils est marié à Tiffany Trump. Il n’est pas diplomate, mais homme d’affaires ayant fait fortune au Nigeria.

Et n’a pas d’autre but que de garantir l’accès aux ressources convoitées, comme en Ukraine. Les États-Unis n’ont cure de la résolution du conflit dans l’est de la RDC, et si Massad Boulos a rencontré les dirigeants des pays concernés, RDC, Ouganda ou Rwanda, c’est seulement pour faire main basse sur les minerais stratégiques.

Le 13 mai, un accord a été signé entre la secrétaire adjointe par intérim du Bureau des ressources énergétiques du secrétariat d’État, Kim Harrington, et la société minière rwandaise Trinity Metals, l’un des leaders des fameux « 3T » (tungstène, tantale, étain). Et tant pis si la guerre sévit dans la région et que le Rwanda pille une grande partie de ces ressources chez son voisin. Comme l’a assuré cyniquement Troy Fitrell : « Si vous attendez l’accord complet (de paix – NDLR), il faudra attendre trente ans. » Le profit, lui, n’attend pas.

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