Mort de Jean-Marie Le Pen : l’antisémitisme du fondateur du RN déjà sous le tapis
Beaucoup de ceux qui voient des antisémites partout à gauche depuis des mois n’en voyaient plus du tout au moment de réagir à la mort de Jean-Marie Le Pen. Le fondateur du Front national, créé avec deux anciens SS, était pourtant coutumier des sorties antisémites et négationnistes. Les chambres à gaz ?
« Un point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale », déclarait-il en 1987, allant même jusqu’à remettre en question leur existence. « Voulez-vous me dire que c’est une vérité révélée à laquelle tout le monde doit croire ? C’est une obligation morale ? Je dis qu’il y a des historiens qui débattent de ces questions », osait-il affirmer, avant de refuser d’utiliser le mot de « génocide » pour qualifier la Shoah…
Seulement disqualifier la gauche
Celui qui, en 2014, lançait « on en fera une fournée » au sujet d’artistes, notamment juifs, hostiles à ses idées, ou qui avait renommé Michel Durafour, ancien ministre, en « M. Durafour crématoire » en 1988 a même été condamné à six reprises pour antisémitisme, apologie de crimes de guerre et provocation à la haine raciale depuis 1969. Mais les élus RN, qui instrumentalisent désormais la question de l’antisémitisme pour disqualifier la gauche, n’ont rien trouvé à redire au sujet des propos de leur figure tutélaire.
Jordan Bardella, eurodéputé et président du parti, a salué un « engagé » qui a « toujours servi la France ». Sébastien Chenu, député du Nord, a déploré la perte d’un « immense patriote, visionnaire » et d’une « incarnation du courage ». Pourtant, ces derniers temps, le RN n’a pas économisé ses efforts pour tenter de se montrer comme « le meilleur bouclier (…) contre la montée de l’antisémitisme », selon les mots de Marine Le Pen. Par la mort de Jean-Marie Le Pen, la supercherie se dévoile définitivement.
La supercherie enfin dévoilée ?
Depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque terroriste du Hamas sur le sol israélien, l’extrême droite et une partie de la droite sont à l’offensive pour tordre le cou à toute défense de la Palestine et à toute critique issue de la gauche concernant les innombrables bombardements ordonnés par Benyamin Netanyahou sur Gaza. « Depuis un peu plus d’un an, il y a un antisémitisme décomplexé au sein de l’Assemblée nationale », a osé il y a peu la députée RN Laure Lavalette sur CNews, ciblant « les députés du NFP qui n’ont jamais été capables de dire que le Hamas est un mouvement terroriste » et « ceux qui venaient dans l’Hémicycle avec des drapeaux palestiniens »
« En France, il y a un climat délétère vis-à-vis de nos compatriotes de confession juive, lançait Sébastien Chenu six jours plus tôt, cette fois sur RMC. Un climat entretenu par l’extrême gauche, qui souffle sur les braises matin, midi et soir pour des intérêts électoralistes. »
Le tout, sans rien dire des propos de Jean-Marie Le Pen et d’autres membres du RN. Et sans rappeler que, le 9 avril dernier, c’est bien un candidat du RN lors des législatives 2024, Louis-Joseph Gannat-Peche, qui a lancé sur Twitter à l’adresse de Julien Dray ces mots : « Juif qui parle bouche qui ment, disait Voltaire. » L’investiture lui a ensuite été retirée, mais les « dérapages » racistes des candidats du RN sont légion.
Et pourtant, dans la foulée de la mort de Jean-Marie Le Pen, le problème ne viendrait plus de l’extrême droite à en croire certains. L’essayiste réactionnaire Gilles-William Goldnadel a ainsi lancé mardi sur CNews : « L’antisémitisme éventuel de M. Jean-Marie Le Pen n’arrive pas à la cheville de l’antisémitisme vivant, dangereux, purulent, de M. Mélenchon. L’antisémitisme de M. Le Pen, c’était l’antisémitisme terminé, d’hier. Celui de Mélenchon, c’est celui d’aujourd’hui. » Le caricaturiste Plantu a fait un dessin allant dans le même sens. Aucun trait d’égalité ne peut pourtant être ici tracé.
En réalité, pour l’extrême droite, la lutte contre l’antisémitisme n’est pas un combat, encore moins un but, c’est un moyen, un cheval de Troie pour mieux s’attaquer aux musulmans en les associant à l’islamisme. Les propos tenus en février 2019 par Marine Le Pen sur la chaîne d’information israélienne i24News en témoignent. Selon elle, l’antisémitisme d’extrême droite est « groupusculaire », donc inoffensif, au contraire du « nouvel antisémitisme islamiste ». Au RN, il y aurait donc les bons et les mauvais antisémites…
Voilà de drôles de donneurs de leçons. Un an plus tôt, Jordan Bardella, interrogé par BFMTV, avait créé la controverse en déclarant : « Les juges ont parlé, (mais) je ne crois pas que Jean-Marie Le Pen était antisémite. » Il se ravisera quelque temps plus tard, avant de l’oublier lors de ses hommages de mardi. En octobre 2022, à l’occasion des 50 ans du parti, Marine Le Pen et les siens s’affichaient même tout sourires avec Bruno Gollnisch, ex-député européen, lequel dénonçait à cette occasion la loi Gayssot, qui réprime les propos racistes et antisémites…
Avant de partir, une dernière chose…
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