Le taux de pauvreté n’a jamais été aussi élevé depuis 1996 selon l’Insee : « Le ruissellement, ça n’a pas marché ! »

De nombreuses associations tiraient la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois. Le rapport de l’Insee ne fait que confirmer une triste réalité : le taux de pauvreté en France n’a jamais été aussi élevé depuis au moins 30 ans. Entre 2022 et 2023, il a augmenté de 0,9 point, passant de 14,4 % à 15,4 %, précise l’Institut national de la statistique et des études économiques dans son étude annuelle parue lundi 7 juillet, soit le taux le plus élevé depuis le lancement de l’indicateur Insee en 1996.

Concrètement, 9,8 millions de personnes se trouvaient en 2023 en situation de pauvreté monétaire, c’est-à-dire qu’elles disposaient de revenus mensuels inférieurs au seuil de pauvreté. Fixé à 60 % du revenu médian, il est aujourd’hui à 1 288 euros pour une personne seule. En un an, 650 000 personnes ont basculé dans la pauvreté.

Les inégalités augmentent, les dividendes aussi

« Si on veut remonter encore plus loin, il faut revenir au début des années 1970 pour avoir des niveaux de pauvreté à peu près comparables », explique à l’Agence France-Presse (AFP) Michel Duée, chef du département ressources et conditions de vie des ménages à l’Insee. « Cette hausse s’explique par l’arrêt des aides exceptionnelles, notamment l’indemnité inflation et la prime exceptionnelle de rentrée, qui avaient été mises en place en 2022 pour soutenir le pouvoir d’achat », ajoute-t-il. « L’autre élément d’explication, c’est la hausse, parmi les non-salariés, de la part des micro-entrepreneurs dont les revenus sont faibles ».

Les inégalités des niveaux de vie ont également « fortement » augmenté en 2023 : le niveau de vie des plus précaires diminue tandis que celui des plus riches augmente, « notamment au rendement des produits financiers », précise Michel Duée. Les familles monoparentales et les personnes au chômage restent les plus touchées par l’augmentation de la pauvreté en France.

« Il faut des mesures structurelles »

La Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation abbé Pierre) évoque des chiffres « alarmants » mais « loin d’être étonnants » au vu de la situation sur le terrain et de la fin des mesures en faveur du pouvoir d’achat. « Les coupures d’électricité et de gaz pour impayés explosent, le nombre de personnes qui disent avoir froid chez eux a presque doublé et on voit une montée très forte des expulsions locatives », souligne auprès de l’AFP Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation.

« On est sur une dynamique qui est très inquiétante de l’action politique ou plutôt de l’inaction politique », ajoute-t-il. « L’heure n’est plus aux mesures ponctuelles, il faut des mesures structurelles ». « Le ruissellement, ça n’a pas marché ! » fustige sur X (ex-Twitter) Florence Blatrix, sénatrice de l’Ain du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’étude annuelle de l’Insee sur la pauvreté ne comprend pas les habitants des départements d’outre-mer, les personnes sans abri et les personnes vivant en institution. La dernière enquête menée sur la totalité de la population française avait estimé à 11,2 millions le nombre de personnes en situation de pauvreté en 2021, rappelle l’AFP.

En mai dernier, une étude du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) estimait que la part des personnes devant renoncer à au moins cinq dépenses de la vie courante sur une liste de treize (par exemple, pouvoir accéder à internet, pouvoir avoir une activité de loisir régulière, chauffer son logement ou encore pouvoir acheter des vêtements neufs) est passée de 12,1 % à 13,1 %.

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