Trève entre Israël et le Hamas : pourquoi les négociations sur la deuxième phase s'annoncent compliquées

La trêve dans la bande de Gaza, en vigueur depuis le 15 janvier, est toujours extrêmement fragile, malgré la libération de six otages israéliens, samedi 22 février. Il s'agit, selon le Hamas, des derniers captifs vivants devant rentrer en Israël dans le cadre de la première phase de l'accord de cessez-le-feu, qui expire le 1er mars. Avant cette date, le mouvement islamiste doit encore restituer quatre corps à Israël. Au total, 25 otages vivants et huit morts auront été échangés contre 1 900 détenus palestiniens à l'issue de cette première phase.

Si la trêve entre dans une deuxième phase, le Hamas s'est dit prêt à libérer "en une seule fois" tous les otages qu'il détient encore, sans préciser leur nombre. Selon l'armée israélienne, 62 personnes enlevées en Israël lors de l'attaque terroriste du 7 octobre 2023 sont toujours retenues à Gaza, dont 35 sont mortes.

Cette deuxième étape doit aussi être celle du retrait de toutes les troupes israéliennes encore présentes dans la bande de Gaza, un pas crucial vers la fin de la guerre. Mais, alors que cette phase doit débuter le 2 mars, les négociations sont retardées par les tensions entre les deux camps. Franceinfo fait le point sur la situation.

Le sort de la famille Bibas a mis de l'huile sur le feu 

Les complications concernant le sort de Shiri Bibas, enlevée avec ses deux jeunes enfants, Ariel et Kfir, le 7 octobre 2023, ont accentué les tensions. Après seize mois d'incertitudes, le Hamas a finalement annoncé mercredi soir qu'ils étaient morts et que leurs dépouilles seraient rendues le lendemain. Mais une autopsie pratiquée à l'institut médico-légal de Tel-Aviv a révélé que le cercueil au nom de Shiri Bibas contenait le corps d'une femme gazaouie, suscitant la stupéfaction et l'effroi en Israël. Le Hamas a évoqué une "possible erreur" et la véritable dépouille de la mère de famille a finalement été rendue dans la nuit de vendredi à samedi aux autorités israéliennes.

Le mouvement palestinien a assuré que la mère et les deux petits garçons, respectivement âgés de 4 ans et huit mois et demi lors de leur enlèvement, étaient morts dans un bombardement israélien en novembre 2023. Une explication réfutée par l'armée israélienne, qui avance que les autopsies montrent que les petits garçons ont été "brutalement tués en captivité en novembre 2023 par des terroristes palestiniens". Le porte-parole de l'armée, Daniel Hagari, est même allé plus loin, annonçant dans une déclaration télévisée qu'ils avaient été tués "à mains nues".

"La cruauté du Hamas n'a pas de limites", a dénoncé le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. Après la découverte que le premier corps rendu n'était pas celui de Shiri Bibas, il a promis que le mouvement islamiste paierait "le prix de cette violation cruelle et perverse de l'accord". En réponse, le Hamas a dénoncé des "mensonges" d'Israël.

Le Hamas refuse de disparaître de Gaza

Ces accusations brandies par Benyamin Nétanyahou n'augurent pas de sereines négociations. A cela s'ajoutent les exigences du Premier ministre israélien pour la poursuite de l'accord : le désarmement complet de la bande de Gaza et l'éviction du Hamas des postes de pouvoir. Pour l'heure, le mouvement islamiste palestinien refuse catégoriquement ces deux points. Osama Hamdam, l'un de ses porte-paroles, a ainsi affirmé le 15 février que le groupe n'avait "pas été effacé" par la guerre, dans une déclaration relayée par CNN. "Et je vous le dis, nous avons l'occasion de nous développer", a-t-il prévenu.

Selon le chercheur Muhammad Shehada, interrogé par le média américain, le Hamas considère que toute discussion sur la dissolution de son groupe constitue "une ligne rouge", estimant que le maintien de sa présence dans l'enclave palestinienne vise à "dissuader Israël de rester à Gaza de manière permanente ou de faire ce que le pays fait en Cisjordanie". L'armée israélienne a lancé en janvier une opération militaire massive à Jénine, en Cisjordanie occupée, pour lutter contre ce qu'elle considère comme des bastions du Hamas et du Jihad islamique. 

Malgré le vaste champ de ruines qu'est devenue l'enclave palestinienne, après des mois de bombardements israéliens, force est de constater que le Hamas est toujours présent et met en scène sa survivance lors des remises d'otages, en paradant avec les cercueils. "Le Hamas exhibe son existence alors que l'objectif affiché de la guerre de [Benyamin] Nétanyahou était de le détruire militairement, donc manifestement, il n'y est pas arrivé", observe l'ancien officier Guillaume Ancel, spécialiste des armées, sur France 24.

La position de Donald Trump complique les négociations 

Là où Joe Biden avait souvent essayé de tempérer son allié Benyamin Nétanyahou, quitte à menacer de suspendre la livraison d'armes américaines à destination de l'Etat hébreu en mai dernier, craignant une offensive massive de Tsahal à Rafah, Donald Trump adopte une autre approche. Depuis son retour à la Maison Blanche, le président républicain va systématiquement dans le même sens que le Premier ministre israélien, revendiquant une "stratégie commune" pour l'avenir de Gaza. 

Le Premier ministre israélien a évoqué en conférence de presse avec le chef de la diplomatie américaine, mi-février, un "soutien sans équivoque des Etats-Unis" en ce qui concerne Gaza, expliquant que cela aiderait Israël à "atteindre ses objectifs plus rapidement". Benyamin Nétanyahou est allé jusqu'à reprendre une expression de Donald Trump prononcée quelques jours avant, menaçant d'ouvrir les "portes de l'enfer" dans la bande de Gaza si tous les otages n'étaient pas libérés.

Vendredi, Donald Trump a souligné qu'il serait "vraiment" d'accord avec toute décision prise par Israël, qu'il s'agisse d'entrer dans une deuxième phase de l'accord de trêve ou de reprendre la guerre, selon des propos rapportés par The Times of Israël.

Et si la volonté du président américain de "prendre le contrôle de la bande de Gaza" a suscité une avalanche de condamnations de la communauté internationale, Benyamin Nétanyahou a de son côté affirmé lundi qu'il s'engageait à "respecter" cette proposition, visant également à déplacer l'ensemble des habitants de l'enclave palestinienne en ruines. "La position raciste américaine s'aligne avec celle de l'extrême droite israélienne dans le déplacement de notre peuple et l'élimination de notre cause", a immédiatement dénoncé Abdel Latif al-Qanou, un porte-parole du Hamas.