« Submersion migratoire » : François Bayrou sécurise son gouvernement en rassurant le RN pour éviter la censure
À trop pencher à droite, François Bayrou risque de dangereusement perdre l’équilibre. Sur le plateau de LCI, lundi 27 janvier, le premier ministre a enchaîné les déclarations hostiles à l’immigration en reprenant le vocabulaire de l’extrême droite.
Autant d’appels du pied en direction du Rassemblement national (RN) dont il espère obtenir la bienveillance pour éviter de chuter rapidement. Attitude qui n’avait pourtant pas réussi à son prédécesseur, Michel Barnier. « La rencontre des cultures est positive, mais dès l’instant que vous avez le sentiment d’une submersion, de ne plus reconnaître votre pays, il y a rejet. En France, on s’en approche », a-t-il affirmé. Il s’est également prononcé, à cette occasion, favorable à une restriction du droit du sol à Mayotte.
La gauche vent debout
Des propos qui ont provoqué l’ire de la gauche. Le sénateur PCF Ian Brossat a fait part de sa « honte ». « Ce dont souffre notre pays, ce n’est pas de submersion migratoire, a-t-il observé sur X. C’est d’une submersion de racisme méthodiquement entretenue par le gouvernement qui n’est là que par la grâce du front républicain ! »
« À écouter François Bayrou, on se dit qu’il y a ici non de la maladresse, mais un arrière-fond xénophobe », a surenchéri le député PS Arthur Delaporte. Mathilde Panot, cheffe de file des insoumis à l’Assemblée, s’est pour sa part désolée d’entendre « exactement les mots qu’a utilisés M. Zemmour pendant l’élection présidentielle ».
« Ça m’a extrêmement choqué qu’un premier ministre perpétue cette fausse idée qui est alimentée par les extrêmes », a enfin regretté Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste au Palais-Bourbon. Étude de l’Insee à l’appui, la parlementaire a rappelé qu’aujourd’hui « 7,7 % des personnes qui vivent en France sont étrangères » contre 6,5 % en 1975. « Alors que l’on a l’Union européenne, Erasmus, beaucoup plus d’échanges au niveau mondial, l’augmentation est faible. On n’est pas dans une submersion migratoire », a-t-elle affirmé.
Ces propos ont aussi heurté certains membres du camp présidentiel. La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, s’en est émue à l’antenne de BFM TV ce mardi : « Je n’aurais jamais tenu ces propos et ils me gênent. On parle d’hommes et de femmes, on parle de notre pays, la France, qui, de par son histoire, de par sa géographie, de par sa culture, a toujours accueilli et s’est construite avec cette tradition. »
Un coup de barre à droite largement amorcé
Une sensibilité cependant largement minoritaire au sein d’un « socle commun » qui se distingue par son rejet de l’immigration. « On a un vrai sujet, alerte Laure Miller, députée Renaissance, à la rescousse du premier ministre. Si vous discutez avec n’importe qui dans la rue, vous verrez qu’il y a ce sentiment de submersion ! »
« Pas une semaine ne se passe sans qu’on ne parle d’immigration clandestine », souligne Maud Bregeon, ex-porte-parole du gouvernement, auprès du Figaro, estimant que « l’attente de fermeté est grandissante ».
Un coup de barre à droite porté sans complexe jusqu’ici par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui a publié, jeudi 23 janvier, une circulaire restreignant plus encore les régularisations des sans-papiers. Par celle-ci, il exhorte les préfets à les limiter en grande partie aux travailleurs de métiers en tension et conditionne la régularisation à une durée de présence d’au moins sept ans sur le territoire national (contre cinq aujourd’hui).
Dans un entretien accordé à Ouest France, samedi, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, l’a assuré de « tout (son) soutien », plaidant lui aussi pour une « immigration la plus proche de zéro ».
Indignation des socialistes
Ces gages donnés à l’extrême droite n’interviennent pas à n’importe quel moment. Pour le gouvernement, cette semaine ouvre une période cruciale. Tandis que l’examen du budget de la Sécurité sociale (PLFSS) a repris ce lundi à l’Assemblée, le budget 2025 doit faire l’objet d’une commission mixte paritaire ce jeudi.
Selon leurs conclusions, la censure du gouvernement guette. Interrogé par la gauche à l’occasion des questions au gouvernement, ce mardi, le premier ministre a tenu à se défendre de « toutes connivences avec ceux qui exagèrent les réalités » tout en réaffirmant ses propos.
« S’il y avait autant de personnes en situation irrégulière à Paris qu’il y en a à Mayotte, il y aurait 400 000 personnes en bidonville à Paris. Qui, à ce moment-là, oserait mettre en cause les mots ? », a-t-il lancé sous les applaudissements du RN. Les socialistes, eux, révolté par ces propos, ont annoncé suspendre les discussions avec le gouvernement sur le budget.
« Ce sujet ne pourra que peser dans la décision du groupe Socialistes dans l’hypothèse de censurer » le gouvernement, prévient le député PS Emmanuel Grégoire. À vouloir se sauver à tout prix, François Bayrou se met dans les mains du RN.
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