En Seine-Saint-Denis, l’instauration d’un fichage par la police de tout « étranger en situation régulière » inquiète la justice

La préfecture de Seine-Saint-Denis pousse à ce qu’un fichage discriminatoire soit instauré dans la durée. Selon les informations du média indépendant Les Jours, les agents de police du département sont sommés d’appliquer un signalement, auprès de la Direction territoriale de la sécurité de proximité du 93, pour tout « étranger en situation régulière dont la présence en France représente une menace pour l’ordre public en vue du refus, du non-renouvellement ou du retrait de titre de séjour ».

La consigne, dévoilée par le média en ligne dans une enquête publiée mercredi 9 avril, a été communiquée à l’intégralité des commissariats de Seine-Saint-Denis. Ces derniers sont autorisés – et poussés – à signaler l’origine de tout ressortissant en situation régulière interpellé et mis en garde à vue. « Cela pose de nombreuses questions : fichage illégal, présomption d’innocence foulée au pied, atteinte au secret judiciaire, fragilisation des titres de séjours… », énumère Les Jours.

« Refus ou retrait de titre de séjour »

Les agents de police doivent ainsi envoyer les copies des empreintes digitales, du titre de séjour et des papiers d’identité du pays d’origine de la personne interpellée. « Forts de ces informations, indique la note, les services idoines de la préfecture sont chargés de « mettre en œuvre les mesures administratives appropriées : refus de titre de séjour ou retrait de titre de séjour » », précise Les Jours. Une adresse mail a été créée pour l’occasion, à la direction du bureau du séjour de Bobigny.

La question d’une mise en place d’un tel dispositif à l’échelle nationale apparaît inévitable. Le cas de la Loire-Atlantique est notamment mis en avant. Une note de la police interdépartementale – jugée illégale par le tribunal administratif de Nantes le 4 avril dernier – demandait aux agents d’établir une « fiche navette », où auraient été inscrits « les délits commis par les étrangers en situation régulière ». La justice nantaise a rendu son délibéré à la suite d’une saisine du Syndicat de la magistrature, des avocats de France et de la Ligue des droits de l’homme (LDH).

« On ne voyait pas pourquoi Nantes aurait été la seule préfecture à mettre en place une telle procédure et ce n’était donc pas une initiative isolée, s’est alarmée l’avocate nantaise Alice Benveniste, coprésidente de la commission nationale droit des étrangers du Syndicat des avocats de France (SAF), auprès des Jours. Nous ne sommes pas à l’abri qu’il y ait d’autres notes dans d’autres préfectures. »

Établie suite à la promulgation de la loi immigration de janvier 2024

De fait, la circulaire « Retailleau » – du nom de l’actuel ministre de l’Intérieur et établie suite à la promulgation de la tant décriée loi immigration de janvier 2024 – intime aux autorités de porter « régulièrement et rigoureusement » des « éléments susceptibles de caractériser un risque pour l’ordre public » à la connaissance des préfectures et sous-préfectures chargées des étrangers.

Un ordre large qui permettrait donc aux préfectures d’établir un fichage de la population interpellée. Or, « ces remontées d’informations sont effectuées au stade de garde à vue », donc quand les personnes visées restent présumées innocentes. « Il est d’ailleurs précisé que le « rapport administratif » doit être fait même si le parquet a abandonné les poursuites : les policiers sont en effet invités à « préciser le numéro et le motif du classement » », révèlent les Jours.

« Il y a aussi un problème de séparation des pouvoirs qui interroge, entre le judiciaire et l’exécutif, lorsque la préfecture demande au judiciaire des informations sur des enquêtes en cours, avec des personnes désignées », alerte enfin Manon Lefebvre, la secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature. Selon le journal local Presse Océan, la note rédigée à Nantes, et émise en novembre 2024, a conduit à trente-cinq signalements en l’espace de quelques mois, dont cinq procédures « pouvant aboutir à une dégradation de titres ». La multiplication d’un tel dispositif sonne donc comme les prémices d’une nouvelle dérive sécuritaire.

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