TEMOIGNAGE. "On l'a trouvé d'une maigreur effroyable" : ces grands-parents français réclament le rapatriement de leurs petits-enfants de Syrie

Après la chute de Bachar al-Assad en Syrie, où en sont rapatriements des enfants de jihadistes français enfermés dans des camps au nord est du pays ? La France refuse de les ramener, malgré la condamnation de la Cour européenne des droits de l'Homme en 2022. Jeudi 6 février, plusieurs familles seront présentes au tribunal administratif de Paris, pour contester ces refus.

Depuis des années, Danielle* attend désespérément le retour de ses quatre petits-enfants, détenus avec leur mère dans le camp de Roj, une prison à ciel ouvert : "C'est assez épouvantable de savoir qu'ils sont mal nourris, qu'ils ne boivent pas d'eau potable, qu'ils n'ont pas accès aux soins, à l'éducation."

"L'un de nos petits-fils est tout petit, malingre. Je pense qu'il a vraiment souffert de dénutrition, de la guerre et des privations dans ce camp de Roj. On est assez inquiets."

Danielle

à franceinfo

Il y a plus d'un an, le 8 janvier 2024, avec l'aide de son avocate, la grand-mère a formulé une des neuf demandes de rapatriement adressées au Quai d'Orsay. Sur ces neuf demandes, deux refus ont été motivés. Selon les autorités françaises, "la situation sur place est particulièrement complexe et dangereuse", peut-on lire dans un document confidentiel que franceinfo s'est procuré : "Dès lors, les opérations de rapatriement sont extrêmement difficiles à mener. Chacune d'elles demande un travail de préparation très délicat pour en garantir le succès, à commencer par la sécurité des personnels de l'Etat qui y prennent part."

Un dessin de l’un des 5 jeunes majeurs, enfant de jihadistes, enfermé dans un centre de réhabilitationen Syrie. (DR)

Pour Danielle qui s'est rendue sur place, en Syrie, l'été dernier, à la rencontre de ses petits-enfants, c'est une aberration : "On a du mal à comprendre que des militaires qui sont équipés autrement qu'on l'était, trouvent cela dangereux à l'heure actuelle".

"Jamais il n'aurait imaginé qu'on puisse venir jusqu'à lui"

Accompagnée de son mari, elle a pu revoir, là-bas, pour la première fois depuis des années, son petit-fils de 15 ans, séparé de sa mère et de ses frères et sœurs installés à Roj. Il est enfermé dans un centre de réhabilitation à une centaine de kilomètres de là, sans contact avec eux : "Il nous est tombé dans les bras, en nous disant que jamais il n'aurait imaginé qu'on puisse venir jusqu'à lui. On l'a trouvé d'une maigreur effroyable. J’avais sur mon portable des photos de lui quand il était petit, de ses frères et sœur et de sa maman. Il était heureux de retrouver toutes ses images et il nous disait qu'il se souvenait très bien de nous."

"Il est parti quand il avait 5 ans, on le voyait très souvent à l'époque."

Danielle

à franceinfo

Depuis son voyage sur place, en août 2024, Danielle n'a pas de nouvelles de lui, les coups de téléphone sont interdits avec la France. Le Quai d’Orsay assure que malgré les difficultés, "la détermination du gouvernement pour mener à bien des opérations de rapatriement reste intacte". La France a cessé, à l’été 2023, les rapatriements collectifs, après avoir mené quatre opérations en un an ayant permis de faire revenir 57 femmes et 169 mineurs. 120 enfants français restent détenus dans les camps de détention kurdes, dont cinq jeunes majeurs et le petit-fils de Danielle, enfermé dans une cellule seize heures sur vingt-quatre.

*Le prénom a été modifié.