Syrie : le mandat d’arrêt français visant Bachar al-Assad, pour les attaques chimiques de 2013 sur son propre peuple, annulé par la Cour de cassation

Une audience historique sur une question inédite : les agents et chefs d’États étrangers suspectés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité peuvent-ils bénéficier de l’immunité pénale ? La Cour de cassation a tranché ce vendredi 25 juillet, en annulant le mandat d’arrêt visant le président syrien déchu Bachar al-Assad. Elle a estimé qu’aucune exception ne pouvait lever l’immunité personnelle d’un chef d’État. Une décision lourde d’enjeux, au vu du contexte géopolitique.

« Cependant », depuis que Bachar al-Assad a été renversé en décembre 2024 et n’est plus président, « de nouveaux mandats d’arrêt ont pu ou pourront être délivrés à son encontre » pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, a déclaré le président de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, Christophe Soulard, lors d’une audience publique diffusée de manière inédite en direct sur internet. L’information judiciaire ouverte à son encontre pourrait donc se poursuivre.

Attaques au gaz sarin

En novembre 2023, deux juges d’instruction spécialisés avaient émis un mandat d’arrêt pour complicité de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, à l’encontre du dictateur pour les attaques chimiques mortelles perpétrées sur son peuple, alors en pleine guerre civile. Les faits remontent aux 4 et 5 août 2013 à Adra et Douma, ainsi qu’au 21 août dans la Ghouta orientale, lorsque l’armée de Bachar al-Assad a attaqué des milliers de personnes au gaz sarin.

Selon les renseignements étasuniens, plus de 1 000 Syriens auraient été tués en une seule journée. La cour d’appel avait validé ce mandat en juin 2024, estimant que ces crimes « ne peuvent être considérés comme faisant partie des fonctions officielles d’un chef de l’État ».

Le Parquet national antiterroriste et le parquet général de la cour d’appel de Paris avaient contesté ce mandat d’arrêt, défendant l’immunité absolue dont jouissent les chefs d’État en exercice devant les tribunaux de pays étrangers.

Une « exception à l’immunité fonctionnelle »

La Cour de cassation a indiqué que le mandat d’arrêt avait été délivré alors que Bachar al-Assad « était encore chef d’État en exercice », et n’était donc pas « régulier », tout chef d’État étant protégé devant les tribunaux nationaux de chaque pays du monde. Elle n’a pas suivi la position du procureur général Rémy Heitz qui avait proposé, lors de l’audience le 4 juillet, de maintenir le mandat d’arrêt contre Bachar al-Assad, en écartant l’immunité personnelle dont il bénéficiait car la France ne le considérait plus depuis 2012 comme le « chef d’État légitime en exercice », au vu des « crimes de masse commis par le pouvoir syrien ».

En revanche, elle reconnaît « pour la première fois une exception à l’immunité fonctionnelle dont bénéficient les agents des États étrangers » et ancien chef d’État, s’ils sont poursuivis pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ou bien pour un génocide.

Ce mandat, n’ayant pas été déposé dans les bonnes conditions, a dû être annulé, mais tout autre émis à son encontre, maintenant qu’il n’est plus chef d’État, et alors qu’il est accusé de ces faits gravissimes, pourrait être, quant à lui, recevable.

Cette décision était très attendue en France comme à l’étranger, notamment par les organisations de défense des droits de l’homme engagées dans la lutte contre l’impunité des chefs d’État soupçonnés de crimes internationaux sur leur population. « La Cour fait prévaloir la prétendue sécurité des relations internationales sur la lutte contre l’impunité », ont regretté les avocats d’ONG parties civiles Clémence Witt, Jeanne Sulzer et Paul Mathonnet, se réjouissant toutefois que l’immunité fonctionnelle ne puisse « plus faire obstacle à la poursuite des crimes internationaux, revenant sur 25 années de jurisprudence conservatrice : c’est une avancée considérable ».

Depuis sa fuite de la Syrie en décembre 2024 après l’offensive du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham menée par Ahmed al-Chaara, Bachar al-Assad vit en exil en Russie avec sa femme et ses enfants, sous la protection de Vladimir Poutine.

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