RDC : le M23 et le Rwanda avancent vers le sud, la diplomatie s’active
Goma est tombée aux mains du Mouvement du 23 mars (M23), le groupe armé antigouvernemental, appuyé par 3 000 à 4 000 soldats de rwandais, mais les combats n’ont pas cessé dans l’est du pays. Désormais, le M23 s’avance vers Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu. Une agglomération qui compte plus d’un million d’habitants, située à l’extrémité sud du lac Kivu, Goma étant au nord.
D’ores et déjà, le territoire occupé par les forces du M23 et de l’armée rwandaise, qui dirigent les opérations, est immense : presque 20 % du territoire congolais, en comptant également une partie de la province de l’Ituri, au nord, où les troupes sont également présentes. « Une quasi-république, qui s’étendra bientôt de Bukavu au sud à Beni au nord », indiquait ce mercredi au Monde Vincent Karega, ambassadeur itinérant rwandais pour la région des Grands Lacs.
Contraindre le président congolais
Le porte-parole du M23, Willy Ngoma, sous le coup de sanctions onusiennes depuis février 2024, a assuré que l’objectif du mouvement était de « libérer le Congo jusqu’à Kinshasa ». En réalité, le Rwanda et ses affidés du M23 ont d’abord pour objectif de contraindre le président congolais, Félix Tshisekedi, à la négociation. 2 500 kilomètres de forêt tropicale séparent l’est du pays de la capitale.
Tandis que les affrontements se poursuivent, plusieurs rencontres diplomatiques ont lieu ce 31 janvier. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, s’est rendu à Kinshasa, où il a rencontré Félix Tshisekedi, puis à Kigali, où il a été reçu par Paul Kagamé.
Il n’a fait aucune déclaration officielle, mais a réitéré la position française : « le retrait des troupes rwandaises » de la RDC et le « soutien aux processus de Luanda et de Nairobi », allusion aux tentatives de médiation de l’Angola, en décembre, et du Kenya, le 29 janvier. Problème : à Luanda, Paul Kagamé avait pratiqué la politique de la chaise vide, et à Nairobi, c’était au tour de Félix Tshisekedi. EN réalité, chacun veut arriver en position de force pour d’éventuelles négociations : c’est d’ailleurs la raison principale de l’offensive éclair du M23 depuis début janvier.
Comme pour Gaza, la diplomatie française se contente d’une litanie de vœux pieux, sans aucune volonté réelle d’application, en l’absence d’actes. D’autres pays, a contrario, ont évoqué des sanctions contre le Rwanda, et pas des moindres, à commencer par son principal allié occidental : la Grande-Bretagne.
Violente passe d’armes
Proche du régime de Paul Kagamé au point d’avoir signé voici trois ans un accord pour que les migrants britanniques soient envoyés au Rwanda, Londres semble avoir changé de pied, en brandissant un « réexamen de toute l’aide britannique au Rwanda ». La Belgique, de son côté, ancien pays colonisateur de la RDC, a demandé que l’Union européenne mette en place des sanctions contre le Rwanda. Sur ces points concrets, la France n’a pipé mot.
La rencontre de la communauté des États d’Afrique de l’est prévue le 29 janvier à Nairobi, malgré l’absence de Tshisekedi, n’a pas été de tout repos. Elle a donné lieu à une violente passe d’armes entre l’Afrique du Sud, qui fait pourtant souvent office de puissance pacificatrice dans les conflits africains ; et le Rwanda.
Cyril Ramaphosa, le chef d’État sud-africain, a parlé de « milice des forces de défense rwandaises », ce qui a exaspéré Paul Kagamé. « Ce n’est pas une milice, c’est une armée », a-t-il répliqué, reconnaissant ainsi que ce sont bien des soldats rwandais qui se trouvent en RDC – ce qu’il a nié durant des années.
Si ces termes fort peu diplomatiques ont été employés, c’est en raison du nombre de soldats sud-africains tué à Goma lors de la dernière semaine : treize. Certains faisaient partie de la Monusco, la mission onusienne en RDC, d’autres de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en République démocratique du Congo (SAMIDRDC), que le Rwanda juge partie prenante dans le conflit et estime qu’elle n’a « pas sa place » en RDC.
Précisément, cette Communauté de développement de l’Afrique australe se réunit ce vendredi à Harare, au Zimbabwe, pour une nouvelle initiative diplomatique. L’ordre du jour consiste davantage à discuter de la question de la SAMIDRDC, et non à une quelconque médiation entre la RDC et le Rwanda : ce dernier n’en fait pas partie.
C’est sans doute à l’ONU, et sous la pression de nombreux pays, que peut se jouer un arrêt des combats, fut-il provisoire. C’est d’ailleurs ce que rappelle la RDC dans un communiqué à propos de la France, qui, rappelle-t-elle, dispose d’un droit de véto au Conseil de sécurité. De sa part, la RDC « attend un peu plus d’actions ». Le temps presse.
Être le journal de la paix, notre défi quotidien
Depuis Jaurès, la défense de la paix est dans notre ADN.
- Qui informe encore aujourd’hui sur les actions des pacifistes pour le désarmement ?
- Combien de médias rappellent que les combats de décolonisation ont encore cours, et qu’ils doivent être soutenus ?
- Combien valorisent les solidarités internationales, et s’engagent sans ambiguïté aux côtés des exilés ?
Nos valeurs n’ont pas de frontières.
Aidez-nous à soutenir le droit à l’autodétermination et l’option de la paix.
Je veux en savoir plus !