« Le M23 nous tue, le gouvernement nous tue » : en RDC, Amnesty International dénonce un recours accru aux « armes explosives » contre les civils

Alors que les affrontements se poursuivent entre le groupe de rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) et les forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), l’ONG Amnesty International dénonce un recours accru aux « armes explosives dans les zones peuplées » de civils. L’enquête, publiée ce lundi 20 janvier, pointe notamment de nombreuses exactions survenues dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), au premier semestre 2024.

Le M23, soutenu par le Rwanda, s’est emparé depuis sa résurgence fin 2021 de vastes pans de territoire dans l’est de la RDC, riches en ressources naturelles et déchirés depuis trente ans par des conflits. L’armée congolaise, qui s’est dite « déterminée » à reprendre les territoires perdus, mène depuis plusieurs jours des contre-offensives et est appuyée par des « wazalendo » – nom signifiant « patriotes » en swahili et désignant une nébuleuse de milices locales pro-Kinshasa.

« Enquêter sur ces attaques en tant que crimes de guerre »

Entre janvier et juillet 2024, « des armes explosives imprécises à large rayon d’impact » ont ainsi été utilisées dans des zones « densément peuplées » plus de 150 fois. De quoi provoquer la mort de plus de cent personnes et laissant plusieurs centaines d’autres blessées parmi les civils, alerte Amnesty International.

Les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri sont ainsi les plus touchées par le conflit, avec des milliers de victimes et près de 7 millions de déplacés, selon des estimations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies. La Cour pénale internationale (CPI), qui a annoncé relancer ses enquêtes sur des exactions dans l’est de la RDC en octobre 2024, « doit envisager d’enquêter sur ces attaques en tant que crimes de guerre », en vue de traduire en justice leurs auteurs, demande Amnesty International.

Le 25 janvier 2024 à Mweso, dans le Nord-Kivu, un tir d’artillerie provenant probablement des FARDC a détruit une maison du quartier de Bukama, faisant « au moins 19 morts et 25 blessés, dont 15 enfants, selon des sources médicales », note Amnesty International. L’ONG dit n’avoir trouvé « aucune preuve de l’existence de cibles militaires à l’intérieur ou à proximité de la zone d’impact », ajoutant que des responsables militaires congolais auraient reconnu « une bavure ».

Le 4 mars 2024, une munition a touché une colonne de civils fuyant à pied la ville de Nyanzale, attaquée par le M23. Dix-sept civils sont morts et une dizaine blessés, selon des témoins et des sources médicales évoqués par l’enquête. Le 3 mai 2024 près de Goma, Angèle – également citée dans l’enquête d’Amnesty International – indique avoir perdu ses quatre filles, âgées de 6 à 15 ans, en l’espace de quelques secondes. Ces dernières ont été victimes de tirs de roquette, probablement du M23, en riposte à un tir de l’armée congolaise. Elle a déclaré que l’explosion avait réduit ses enfants à « des débris et des corps déchiquetés ».

Toujours dans l’enquête de l’ONG, un homme, qui a perdu sa femme lors d’une attaque à la roquette, se dit « consterné » par le fait que les deux belligérants s’affrontent si près des camps de personnes déplacées. « Nous avons fui nos villages dans l’espoir de trouver un peu de sécurité. Ici, nous n’avons rien à part nos enfants, se désespère-t-il. Mais ils nous pourchassent jusqu’ici et tuent nos enfants. Le M23 nous tue, le gouvernement nous tue, qu’avons-nous fait pour mériter cela ? »

Ces dernières semaines, les affrontements se sont intensifiés, jusqu’à toucher la province voisine du Sud-Kivu où le M23 a pris, dans la soirée du samedi 18 janvier, le contrôle de la cité minière de Lumbishi, dans le territoire de Kalehe. Amnesty International indique que les autorités congolaises et les dirigeants du M23 n’ont pas répondu aux conclusions préliminaires de son enquête, partagées en décembre dernier. En attendant, des proches de victimes ne cessent de dénoncer l’horreur en cours en RDC, où se multiplient les « scènes apocalyptiques ».

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