« Ces pays sont connus pour leurs violations des droits humains » : les associations vent debout contre la liste des pays « sûrs » de Bruxelles pour accélérer les refus de demandes d’asile
Sous la pression de plusieurs pays européens désireux de renforcer le contrôle migratoire, Bruxelles veut accélérer la cadence. Le 16 avril, la Commission Européenne a proposé une liste de pays « sûrs », destinée à permettre un traitement plus rapide des demandes d’asile. On retrouve sept pays : le Bangladesh, la Colombie, l’Égypte, l’Inde, le Kosovo, le Maroc et la Tunisie. Rome, à l’origine de l’initiative, s’est félicitée d’un « succès gouvernemental italien ».
Mais de quoi parle-t-on ? Un pays est considéré comme « sûr » lorsqu’il respecte les principes de liberté, de démocratie, de l’État de droit, ainsi que les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Concrètement, cela signifie que les demandes d’asile en provenance de ces pays sont désormais présumées infondées, et que les demandeurs doivent être rapatriés. Néanmoins, avant d’entrer en vigueur, la proposition doit encore être validée par le Parlement européen.
Une liste paradoxale
Sauf que la liste fait grincer des dents. « Ces pays sont connus pour leurs violations des droits humains », dénonce sur X l’ONG EuroMed Rights. Parmi eux, la Tunisie est pointée du doigt par les ONG et l’ONU, qui dénoncent la répression du régime de Kaïs Saïed. Alors qu’un procès politique se déroule en silence à Tunis, le pays est reconnu comme « sûr ». Cette situation met en évidence le fossé entre les principes énoncés et la réalité sur le terrain, marquée par la répression des opposants, les arrestations arbitraires et les violences envers les migrants subsahariens.
Ce n’est pas la première tentative de l’UE en la matière. En 2015 déjà, une initiative similaire avait échoué, notamment à cause de l’inclusion ou non de la Turquie, qui est vivement critiquée pour ses atteintes à la liberté de la presse et aux droits des minorités. Cette fois, Bruxelles revient à la charge, dans un climat politique nourri par la montée des partis d’extrême droite dans plusieurs États membres.
Le Pacte européen sur la migration et l’asile, attendu pour 2026, reflète cette volonté de contrôle accru aux frontières et d’accélération des expulsions. Bien que plusieurs pays aient déjà adopté ce principe à l’échelle nationale, une liste européenne commune n’existe pas encore. Cette absence d’uniformité permet aux demandeurs d’asile à se diriger vers les pays ayant les critères les plus flexibles.
Selon les données d’Eurostat, en 2024, près d’un million de personnes ont déposé une demande d’asile dans un pays européen. Si ce chiffre est en baisse par rapport à l’année précédente, il reste tout de même élevé. En classant certains pays comme « sûrs », l’UE espère filtrer plus rapidement. Au risque d’un traitement déshumanisé, qui ne tient pas compte des vulnérabilités individuelles ni des persécutions ciblées.
La Commission insiste : la liste restera « dynamique » et pourra évoluer en fonction de la situation des droits humains. Encore faudra-t-il que les États membres aient le courage de retirer un pays s’il ne répond plus aux critères. Pour l’heure, la machine est en marche. Et pour les demandeurs d’asile concernés, l’espoir d’un accueil européen semble s’éloigner un peu plus.
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