Soudan : un gouvernement parallèle nommé, l’éclatement du pays se poursuit, la crise humanitaire aussi

Comme annoncé en avril, les Forces de soutien rapide (FSR) ont nommé, samedi 26 juillet, un nouveau gouvernement qui se veut l’ébauche d’une nouvelle administration au Darfour et dans une partie du Kordofan. Avec la désignation de Mohamed Hassan al-Ta’aychi au poste de premier ministre et de plusieurs gouverneurs de province, la force rivale de l’armée régulière entend renforcer son pouvoir sur les territoires qu’elle contrôle. Sans surprise, le général et chef des FSR, Mohamed Hamdan Dogol – dit Hemedti -, prend la tête du conseil présidentiel installé à Nyala, capitale du Kordofan du sud.

La décision des FSR a été rejetée ce lundi 29 juillet par l’armée régulière, son porte-parole Nabil Abdullah dénonçant une « tentative désespérée de légitimer un projet criminel. » Les différentes nominations interviennent alors même que les milices d’Hemedti assiègent depuis plus de quinze mois la ville d’Al-Fachir, capitale du Darfour encore tenue par l’armée. Ce siège, vivement condamné par la communauté internationale, s’intensifie de jour en jour.

La semaine dernière, après une nouvelle attaque massive – finalement repoussée -, les centres d’urgence de la ville ont alerté sur la détérioration sans précédent de la situation humanitaire et l’épuisement de l’approvisionnement en eau du camp d’Abu Shuk. Depuis mai 2024, les FSR n’hésitent pas à se servir de la famine comme arme de guerre.

« Risque de génocide »

Depuis le 15 avril 2025, le Soudan est en proie à une énième guerre civile qui oppose les Forces de soutien rapide d’Hemedti avec l’armée régulière menée par le général Abdel Fatah al-Burhan, dirigeant de facto du pays. Les premiers contrôlent l’ouest dont le Darfour quand les seconds, l’est, le Nil et les voies maritimes grâce à la mainmise sur Port-Soudan.

En mars dernier, une offensive de l’armée régulière leur a permis de reconquérir Khartoum, capitale du Soudan, mettant en déroute les FSR. Privées du palais présidentiel et de la radiotélévision d’État, ces dernières se sont rétablies à Nyala, quatrième plus grande ville du pays.

La terrible guerre menée par les deux parties a provoqué ce que les Nations Unies nommaient en avril dernier la « plus grande crise humanitaire au monde » : plus de 12,4 millions de personnes déplacées et la moitié de la population dans le besoin d’une aide alimentaire extérieure, selon l’ONG Action contre la faim. Il y a un an, Tom Perriello, envoyé spécial étasunien, estimait à 150 000 le nombre de morts provoqués par le conflit.

De nombreux rapports de l’ONU ont évoqué des risques de famines et de génocide constants, accusant les deux belligérants de crimes de guerre. Les milices du général Hemedti – dont la majorité des membres sont originaires des tribus arabes du Darfour – sont régulièrement accusées de commettre des pillages, des meurtres et des violences sexuelles dans un but de nettoyage ethnique envers les minorités non-arabes du Soudan. Il y a quelques semaines, l’ONU a déploré un « risque de génocide » après le massacre de 300 civils en trois jours par les Forces de soutien rapide.

Vers une scission profonde

L’origine du conflit ne s’explique pas principalement par des rivalités ethniques. Après la révolte conduisant à la destitution du dictateur Omar al-Bachir en 2019, un gouvernement de transition est mis en place par l’armée. À la suite d’un nouveau coup d’État en 2021, le pouvoir est exercé par un gouvernement militaire au sein duquel Abdel Fattah al-Burhan et Hemedti entretiennent déjà un rapport de force.

Déjà accusées de violations du droit international humanitaire, les FSR sont à l’époque partie intégrante de l’armée régulière. En 2023, alors que les milices sont petit à petit déployées sur l’ensemble du territoire, l’armée craint de perdre le contrôle. Le 15 avril, le conflit éclate. Al-Burhan et Hemedti sont respectivement soutenus économiquement et militairement par l’Égypte et l’Iran d’un côté et les Émirats arabes unis et le Tchad de l’autre.

La perpétuation du conflit militaire laisse craindre le pire. Au moment où la crise humanitaire soudanaise approche d’un paroxysme que l’on pensait déjà atteint, la nomination d’un gouvernement par le général Hemedti et ses Forces de soutien rapide interroge sur les risques de scission profonde du pays. La seconde guerre civile soudanaise avait déjà conduit à l’autodétermination du Soudan du Sud en 2011, après un référendum. Aujourd’hui la population soudanaise ne cesse de s’enfoncer dans la famine et la pauvreté, fragmentée entre deux pouvoirs militaires.

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