En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, Manuel Valls face à l’histoire
Une altercation, une vraie, en pleine rue, entre un ministre et un député. L’échange tendu date du 22 février, mais il symbolise les négociations ardues menées par Manuel Valls en Kanaky-Nouvelle-Calédonie depuis sa prise de fonctions, en décembre dernier. Ce jour-là, le député de la droite radicale anti-indépendantiste, Nicolas Metzdorf (qui siège au sein de groupe Renaissance), l’invective : « Quand tu dis qu’il y a un peuple premier chez les Kanaks, tu ne nous respectes pas ! », s’époumone-t-il. Le ministre des Outre-mer, sous les lazzis de manifestants agitant le drapeau français, rétorque : « C’est un révisionnisme de ta part, je vais t’offrir une visite au musée des Arts premiers. » Guère étonnant quand on sait que la droite calédonienne réfute le terme même de colonisation, pourtant reconnue par l’accord de Nouméa et inscrite elle aussi dans la Constitution.
Une fois n’est pas coutume : depuis sa prise en mains du « dossier calédonien », Manuel Valls réalise pour l’heure un sans-faute. Sa méthode est simple : discuter, négocier, écouter, et surtout ne pas passer en force comme l’ont fait tous ses prédécesseurs depuis 2021, ce qui a conduit à l’explosion insurrectionnelle de mai 2024. Sans oublier un élément qui pourrait paraître anecdotique : ses déplacements réguliers en Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Où l’on apprécie fortement que l’État vienne comprendre sur place les enjeux et les intrications du nœud politique et colonial.
Pas question d’accepter un « accord au rabais »
Ce lundi, Manuel Valls ouvre donc la troisième session de négociations en vue d’un accord qui permettrait de sortir par le haut de la situation créée par la fin de l’accord de Nouméa de 1998 et des trois référendums, dont le dernier, en 2021, avait été saboté par l’État français et donc boycotté par les indépendantistes. Les discussions ont lieu à Bourail, commune symbolique du Caillou pour les révoltes kanak et la présence d’une population appelée « arabe » : les descendants des déportés d’Algérie.
Du côté des indépendantistes du Front de libération kanak et socialiste (FLNKS), dont la délégation est menée par le député Emmanuel Tjibaou, il ne s’agit pour l’heure que de discussions, avec un sujet principal toujours sur la table : l’accession à la pleine souveraineté, prévu par l’accord de Nouméa. Pas question d’accepter un « accord au rabais », qui n’intégrerait pas cette question, a prévenu le FLNKS, qui s’est réuni en convention à Yaté, dans le sud de la grande Terre, le 26 avril.
La droite anti-indépendantiste, pour qui l’affaire est réglée depuis les trois référendums de 2018, 2020 et 2021, menace de ne rien signer, refusant d’entendre parler de droit à l’autodétermination. Pour elle, cela risque d’ouvrir la voie de l’indépendance. Enfin, pour Manuel Valls, résoudre l’antagonisme historique de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie relève de la quadrature du cercle. « S’il n’y a pas d’accord politique, il n’y aura pas de stabilité et sans stabilité, je crains le pire », a-t-il déclaré lors de son passage sur la chaine Nouvelle-Calédonie la 1ère. Mais les équilibres politiques ont changé : les révoltes de mai 2024 ont rappelé à toute la population qu’il n’existait pas d’avenir commun sans prendre en compte la voix et les revendications des Kanaks, en témoigne l’élection surprise d’Emmanuel Tjibaou en juillet 2024. La droite, elle, s’enferme dans la radicalité, a contrario de Jacques Lafleur, son leader historique, qui signa la paix en 1988 avec Jean-Marie Tjibaou. Les trois jours de discussion qui se tiennent à Bourail revêtent donc un caractère historique. Pour Manuel Valls, il s’agit d’une occasion de se comporter en homme d’État.
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