Taux plancher, rebond des Bourses, exception chinoise... Quatre questions sur la volte-face de Donald Trump sur les droits de douane
Donald Trump souffle plus que jamais le chaud et le froid sur l'économie mondiale. Quelques heures après l'entrée en vigueur de la hausse généralisée des droits de douane américains (de 10 à 104% selon les pays), le président américain a fait marche arrière dans une volte-face spectaculaire : il a annoncé, mercredi 9 avril, la suspension pour 90 jours des surtaxes pour les pays visés, tout en les augmentant de 104 à 125% pour la Chine. Un taux plancher unique de 10% sur les produits étrangers importés aux Etats-Unis demeure.
Ce qui était "une stratégie tout du long" du président américain, selon le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a eu un effet immédiat sur les Bourses. Donald Trump a reconnu qu'il avait été influencé par les marchés financiers, dans le rouge depuis plusieurs jours et le lancement de la guerre commerciale américaine. Franceinfo fait le point sur cette volte-face spectaculaire.
1 Qu'a annoncé Donald Trump ?
Le président des Etats-Unis a annoncé la suspension pour 90 jours des surtaxes douanières pour les pays visés, dont l'UE et la France, qui devaient être taxés à hauteur de 20%. Seul un taux plancher général de 10% sur les produits étrangers importés aux Etats-Unis subsiste. Donald Trump a en revanche (encore) durci le ton avec la Chine, en augmentant les droits de douane de 104 à 125% pour la deuxième puissance mondiale en raison "du manque de respect de la Chine à l'égard des marchés mondiaux". Pour les autres pays, il a justifié cet assouplissement par le fait que "plus de 75 pays" se sont manifestés auprès de son gouvernement pour "négocier".
Ce revirement spectaculaire, avec effet immédiat sur les Bourses mondiales, intervient le jour même de l'entrée en vigueur des droits de douane annoncés le 2 avril par Donald Trump lors de son "Liberation Day". Ce jour-là, le président américain avait lancé sa guerre commerciale en fixant un droit de douane plancher de 10%, entré en vigueur samedi 5 avril, et des surtaxes ciblées pour les pays jugés particulièrement hostiles par la Maison Blanche en matière commerciale.
2 Pourquoi a-t-il fait volte-face ?
A écouter sa garde rapprochée – ministre, conseiller, porte-parole de la Maison Blanche –, le revirement de Donald Trump fait partie de sa méthode. "C'était sa stratégie depuis le début et on pourrait même dire qu'il a poussé la Chine à la faute", a fièrement déclaré à des journalistes le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, après l'annonce du président américain. Ou carrément du génie, selon Stephen Miller, chef adjoint de l'administration présidentielle, qui a parlé sur X du "plus grand cours magistral de stratégie économique". "Beaucoup parmi vous dans les médias ont clairement manqué L'Art de la négociation [un livre coécrit par Donald Trump en 1987]. Vous avez échoué à voir ce que le président Trump est en train de faire. Vous avez essayé de dire que le reste du monde se rapprocherait de la Chine, alors qu'en fait, on voit l'effet inverse", a tenté d'expliquer Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison Blanche.
En réalité, Donald Trump a reconnu qu'il avait été influencé par la panique sur les places boursières, qui ont plongé depuis une semaine. Le président américain a admis que ses surtaxes douanières "effrayaient un peu" et qu'il fallait être "flexible". La hausse des taux sur le marché obligataire, sur lequel les Etats-Unis empruntent pour rembourser leur dette abyssal de 36 000 milliards de dollars (32 700 milliards d'euros, dix fois plus que la France), a aussi influencé Donald Trump, comme il l'a reconnu : "Je surveillais le marché des obligations. C'est un marché très compliqué".
Le cours du dollar, qui s'est stabilisé mercredi après avoir chuté depuis une semaine, représentait aussi une autre menace. Le Washington Post rapporte également que des élus américains et des dirigeants mondiaux de premier plan ont aussi appelé Donald Trump pour exprimer leurs inquiétudes face aux droits de douane et leurs conséquences sur l'économie américaine et mondiale.
3 Comment les Bourses et les autres pays ont-ils réagi ?
La Bourse de New York, qui avait ouvert timidement mercredi matin, a bondi après la volte-face de la Maison Blanche : à Wall Street, le Dow Jones s'est envolé de 7,87%, l'indice Nasdaq de 12,16% – sa plus forte hausse en séance depuis 2008, selon Bloomberg – et l'indice élargi S&P 500 de 9,52%. "Les marchés étaient impatients de repartir à la hausse à la moindre bonne nouvelle", a commenté auprès de l'AFP Art Hogan, analyste pour la société B. Riley Wealth Management. Quelques heures avant d'annoncer une pause sur les droits de douane, Donald Trump avait appelé, sur son réseau social Truth Social, les Américains à "acheter" des actions en Bourse, ce qui s'apparente pour certains à une manipulation des marchés.
Les Bourses asiatiques et océaniques ont aussi fortement rebondi : +9,12% pour l'indice Nikkei à Tokyo à la clôture jeudi, +6,6% pour l'indice Kospi à Séoul, +4,5% pour la Bourse de Sydney. Les Bourses européennes sont aussi reparties en flèche : +6,27% à Paris, +7,81% à Francfort, +5,91% à Londres à l'ouverture.
En revanche, sans surprise, les annonces de Donald Trump n'ont pas plu à la Chine, qui reste pour l'heure l'unique pays (très durement) visé. He Yongqian, porte-parole du ministère du Commerce, a averti les Etats-Unis que la décision de son président "porte gravement atteinte aux droits et aux intérêts légitimes des entreprises chinoises et affecte gravement la stabilité de l'ordre économique mondial". Mais Pékin a également déclaré jeudi que "la porte est ouverte pour des négociations", tout en ajoutant que "ce dialogue doit être mené sur un pied d'égalité et basé sur le respect mutuel".
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a de son côté salué une "étape importante" vers la stabilisation économique. "Les droits de douane sont des taxes qui ne nuisent qu'aux entreprises et aux consommateurs. C'est pourquoi j'ai toujours plaidé en faveur d'un accord tarifaire zéro pour zéro entre l'Union européenne et les Etats-Unis", a-t-elle ajouté. Conséquence du revirement de la Maison Blanche, l'UE a annoncé jeudi la suspension de sa riposte pour 90 jours afin de "donner une chance aux négociations". Mais "si les négociations ne sont pas satisfaisantes, nos contre-mesures entreront en vigueur", a-t-elle toutefois prévenu.
4 La guerre commerciale est-elle terminée ?
La pause décidée par Donald Trump ne signifie pas pour autant la fin de la guerre commerciale qu'il a initiée. La menace d'une récession aux Etats-Unis et d'un ralentissement mondial de l'économie existe toujours : le taux plancher général de 10% sur les produits étrangers importés aux Etats-Unis ne sera pas sans conséquences, tout comme l'escalade entre Washington et Pékin.
Une phase de négociations entre les Etats-Unis et le reste du monde devrait maintenant s'ouvrir, alors que plusieurs pays ont déjà acté des ripostes. Avant d'annoncer une pause jeudi, l'Union européenne avait par exemple donné mercredi son feu vert pour taxer à 25% certains produits importés (soja, bois, motos...). Des droits de douane de 25% sur l'automobile, l'acier et l'aluminium sont par ailleurs toujours en vigueur, ce qui pourrait encore animer les prochaines semaines. Sauf si Donald Trump rétropédale encore.