« Leur objectif, c’est de vider la ville pour affaiblir le soutien civil à la résistance » : Kobané, l’offensive des forces pro-turques contre les Kurdes

Kobané (Syrie), correspondance particulière.

Alors que l’Armée nationale syrienne (ANS), soutenue par la Turquie, mène une offensive d’ampleur contre les zones de l’Administration autonome du Nord-Est syrien (Aanes), la ville de Kobané célébrait dimanche les 10 ans de sa libération des mains de Daech.

La fête n’aura été que de courte durée. Mardi 28 janvier, dans l’après-midi, les images d’oranges renversées au milieu de flaques de sang arrivent de Sarrine. De nombreux morts et blessés sont à déplorer, tous victimes d’une attaque de drone turc. Le soir même, dans l’hôpital de Kobané, soignants et familles se pressent auprès des blessés qui affluent depuis Sarrine.

« C’est un jour noir pour nous à Sarrine »

Sur un premier lit, un enfant d’une dizaine d’années est allongé. Une infirmière lui bande la jambe et très vite l’envoie s’asseoir dans le hall auprès de son oncle, Khaled, pour pouvoir s’occuper du prochain blessé. Sous une lumière blafarde, l’homme désorienté raconte : « Le drone a bombardé le marché en plein cœur de Sarrine. »

Située à une quarantaine de kilomètres de Kobané et quelques encablures de l’Euphrate, la ville abrite une population à majorité arabe. « Trois de mes neveux étaient présents lors de l’attaque. Un, âgé de 13 ans, a été tué. L’autre a été blessé à la nuque et à l’épaule, et celui-ci à la jambe », soupire-t-il en désignant le garçon hagard.

Le personnel soignant donne le bilan provisoire : 8 morts. Il ne fera qu’augmenter au cours de la soirée. Mohamed Receb, habitant turkmène de la ville, joint par téléphone le soir même, est encore sous le choc : « C’est un jour noir pour nous à Sarrine. » Le bombardement a eu lieu sur le centre névralgique de la ville. Les victimes étaient vendeurs de vêtements, primeurs ou encore mécaniciens. Un autre habitant de la ville, Mustafa Ali, est démoralisé. Il a enterré dans la soirée cinq de ses neveux, dont deux enfants.

Retirer aux Kurdes toutes leurs prérogatives

Si des bombardements ont lieu de manière régulière dans les alentours de la ville, c’est la première fois que celle-ci est directement prise pour cible. Lundi, c’est dans le village d’El Cemas, à l’est d’Aïn Issa, que deux enfants ont été tués dans un bombardement d’artillerie alors que mardi un drone a tué un enfant, son père et son oncle dans le village d’Um Hermelê, proche de la ville de Zirgan, de l’autre côté de la bande « M4 », occupée par la Turquie.

Un bilan publié par les Forces démocratiques syriennes (FDS) fait état de 40 civils tués et 270 blessés dans les trente derniers jours. « Leur objectif, c’est de vider la ville pour affaiblir le soutien civil à la résistance », affirme Mohammed Receb depuis Sarrine.

L’offensive lancée par les djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTC), qui a abouti, le 8 décembre 2024, à la chute de Bachar Al Assad, s’est accompagnée d’opérations menées dans l’est du pays par des forces pro-turques. L’Armée nationale syrienne, créée par Ankara et composée de nombreux islamistes syriens, dont des anciens de Daech, a pour mission de s’attaquer aux combattants kurdes regroupés au sein des Forces démocratiques syriennes. La Turquie mais également les nouveaux maîtres de Damas entendent retirer aux Kurdes toutes leurs prérogatives, et notamment en finir avec l’Administration autonome du Nord-Est syrien, mise en place en 2013.

Une attaque ciblée dans le centre de Kobané

Situé à 10 kilomètres de la ligne de front où se font face les FDS et les forces de l’ANS, le barrage de Tishreen revêt une importance stratégique : il constitue l’un des deux seuls ponts enjambant l’Euphrate, avec celui de Qereqozaq plus au nord. Sa destruction entraînerait la submersion de dizaines de villages et des conséquences humanitaires désastreuses pour la région.

Des premiers bombardements turcs sur le barrage début décembre l’ont déjà mis à l’arrêt, coupant l’électricité de toute la région et entraînant une diminution de 80 % de la production d’eau potable. Mercredi 29 janvier, aux alentours de midi, une nouvelle frappe sur un village près de Sarrine blesse un enfant de 5 ans.

Quelques heures plus tard, c’est le cœur de la ville de Kobané elle-même qui est pris pour cible par un drone de combat turc « armé d’une bombe guidée laser », affirme une source anonyme au sein des Forces démocratiques syriennes. L’attaque est ciblée : elle a tué le forgeron Azad Ali Mahmoud, membre d’une famille militante bien connue dans la ville, déjà rescapé d’un bombardement l’année dernière. Un autre civil, Shero Mushid, qui travaillait à creuser un puits, est décédé.

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