«Héros», «polarisation», «théories complotistes» : l’attentat contre Donald Trump en Une de la presse mondiale
À quatre mois de l’élection présidentielle américaine, la tentative d’assassinat de l’ancien président américain Donald Trump, lors d’un meeting en Pennsylvanie samedi, et les interrogations qu’elle soulève, font la Une de la presse française et mondiale. Depuis dimanche matin, l’une des premières questions que se posent les journalistes du monde entier est celle d’une potentielle faille des services de sécurité américains. «Le rôle des services secrets mis en question», titre par exemple l’hebdomadaire belge Le Vif.
Un sujet sur lequel s’est penché George Malbrunot dans nos colonnes, ce lundi, rappelant que «des failles de sécurité» avaient «souvent [été] à l'origine des attaques contre les présidents américains». «D'Abraham Lincoln à John Fitzgerald Kennedy, plusieurs présidents boudaient le Secret Service, qui finit par devenir un État dans l'État», analyse notre journaliste en retraçant l’histoire de cette agence gouvernementale.
Le «danger d’un conflit armé augmente»
Faut-il, à présent, craindre que cette attaque ait des répercussions dans la société américaine que le quotidien économique britannique Financial Times qualifie comme étant «au bord du gouffre» ? El País, journal de centre-gauche et quotidien le plus lu d’Espagne, s’inquiète effectivement de ce que cette «attaque intervient à un moment où la population est encore armée jusqu'aux dents». Le tireur, Thomas Matthew Crooks, 20 ans, abattu à la seconde où son doigt a pressé la gâchette, a d’ailleurs utilisé «le fusil préféré des trumpistes», un AR-15, arme la plus vendue dans le pays, au cœur du débat sur l'armement et utilisée dans un grand nombre de tueries de masse, soulève La Vanguardia. En Slovaquie, où le premier ministre Robert Fico a été victime, en mai dernier, de quatre coups de feu en pleine rue, la Pravda estime que «le moment est venu de calmer la dure rhétorique politique».
Cette polarisation de la société est effectivement en miroir de la violence verbale qui oppose les camps démocrates et républicains, analyse Le Monde . «Du côté républicain, l'heure est déjà aux critiques contre les démocrates, accusés d'incitation à la violence en diabolisant l'ex-président», écrit le quotidien du soir. Un angle repris en Suède par l’Aftonbladet qui relève que «même Chris LaCivita, le stratège électoral de Donald Trump, n'a pas tardé à affirmer que l'attaque était une tentative des opposants politiques de Trump».
Outre-Rhin, le Süddeutsche Zeitung s’alarme quant au devenir d’un pays qui «se radicalise» et où le «danger d’un conflit armé augmente». Le quotidien allemand s’intéresse aussi à l’ex-première dame Melania Trump, «L’Absente», qui est sortie d’un silence entretenu depuis plusieurs mois pour soutenir son mari à travers un communiqué.
«Fake news» et théories complotistes
Dans ses colonnes, El Mundo s’inquiète de la prolifération - il fallait s’y attendre - de théories du complot liées à la tentative d’assassinat. Ces dernières «explosent en ligne», titre le Huffpost. «De nombreux partisans de Donald Trump [assurent] que le gouvernement de Joe Biden – ou même le président lui-même – a ordonné la tentative d'assassinat». «Il ne reste plus qu'à Oliver Stone de réaliser un film ou, au moins, un documentaire», raille le correspondant du quotidien à Washington.
Le Corriere della Sera relate par exemple la mésaventure qui est advenue à Marco Violi, journaliste sportif italien, présenté sur les réseaux sociaux sous le nom de Mark Violets comme l’auteur du coup de feu. «Dans la nuit, tandis que les médias diffusaient les premières images de l’attaque, une série de profils très suivis sur X publiaient une photo de Marco Violi, affirmant que la police de Butler l’avait identifié le tireur», relate le quotidien transalpin. «Je me suis réveillé à deux heures du matin et mon téléphone était bombardé de notifications. Je porterai plainte», a témoigné le journaliste.
«Des airs de héros»
Le Guardian, de son côté, relate la genèse de la désormais célébrissime photographie de Donald Trump poing levé, la joue droite maculée de sang, entouré d’agents des services secrets avec un drapeau américain en fond, à travers le témoignage d’Evan Vucci, photographe en chef de l’agence AP à Washington qui couvre les déplacements de l’ex-président américain depuis huit ans. «J'ai entendu les coups de feu. J'ai donc couru vers la scène (...) J'ai commencé à photographier tout ce que je pouvais, relate celui qui a remporté en 2020 un prix Pulitzer pour une photo des manifestations après la mort de George Floyd. Puis je me suis demandé ce qui allait se passer ensuite ? Où va-t-il aller ? Où dois-je me tenir ? Le travail est une question d'anticipation.» L’homme, qui a couvert les guerres en Irak et en Afghanistan, s’est d’ailleurs dit «quelque peu surpris» quand Donald Trump a levé le poing. «Il y a beaucoup d'émotions fortes dans cette image, et je pense que c'est à cela que les gens réagissent», estime Evan Vucci.
Une photographie et une attitude qui confèrent à Donald Trump «des airs de héros, à la veille de la convention d’investiture républicaine» qui s'ouvre ce lundi à Milwaukee (Wisconsin), écrit en Une le quotidien belge Le Soir. En Suisse, Le Temps estime que cette «iconographie va encore mobiliser ses électeurs à moins de quatre mois de l'élection présidentielle». «Donald Trump avait déjà exploité à merveille la photo judiciaire de son inculpation en Géorgie pour avoir tenté de modifier le résultat de l'élection présidentielle en 2020. Mais les événements dramatiques de samedi vont probablement aussi susciter un élan de sympathie au-delà de sa base que le candidat avait de la peine à élargir», peut-on lire dans les pages du quotidien généraliste francophone.