En deux jours d’examen de la réforme de l’audiovisuel public en commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale, la majorité n’a toujours pas soigné son problème d’audition. En faisant adopter la proposition de loi après une dizaine d’heures de débat, elle est restée sourde aux critiques des députés de gauche, qui relaient les inquiétudes des salariés, de leurs syndicats et des sociétés de journalistes. « Il n’y a pas ici ceux qui portent la voix des salariés et ceux qui les oppriment », lâchait ainsi le corapporteur de la proposition de loi, Jérémie Patrier-Leitus (Horizons). Ces salariés, « il n’y a pas que vous qui les voyez », complétait la ministre de la Culture, Rachida Dati. Et pourtant si, puisque même pour constituer le rapport à l’appui de sa réforme (lire notre édition d’hier), ils n’ont pas été consultés.
Quand la logique managériale met en danger l’information
Cette surdité s’est surtout illustrée sur deux sujets. Le premier concerne la fusion des rédactions télé et radio du service public. « Ce sont des professions différentes », plaide le député insoumis Aurélien Saintoul, en réponse à la ministre qui estime que « plusieurs équipes pour la même information », c’est trop. « Un journaliste radio et un télé ne cherchent pas les mêmes réactions », rappelle l’écologiste Sophie Taillé-Polian. « Tout fusionner, c’est baisser le budget, donc mettre en danger l’information sur le territoire : ce sont des initiatives qui disparaissent, des endroits qu’on ne couvre plus… » Une « logique managériale contre-productive », conclut l’élue communiste, Soumya Bourouaha. Jérémie Patrier-Leitus ne voit pas le problème : puisque « les salariés ne se satisfont pas non plus de coopérations par le bas », il faut les faire… par le haut.
Une forme parfaite « pour générer des économies »
« À aucun moment » pourtant, les débats n’ont « prouvé que la holding est la solution », affirme le député socialiste Emmanuel Grégoire, sur cette question comme pour traiter de l’accès à l’information, de la transformation des usages, du pluralisme… En revanche, c’est la forme parfaite pour générer « des économies » sur la structure et instaurer (voilà le deuxième point d’achoppement) un « contrôle politique de l’information ». « Ingérence, ingérence, vous vous gargarisez de mots ! » a répondu Rachida Dati. Avec les corapporteurs de la PPL, elle a rejeté tous les amendements visant à changer la composition des futurs conseils d’administration, pour permettre un pluralisme politique en intégrant des députés de la majorité et de l’opposition, mais aussi un regard des rédactions en intégrant des journalistes et davantage de représentants de salariés. En cas de changement de majorité, cela interroge…
Si la discussion est allée assez vite – et de manière plus courtoise qu’en avril –, c’est qu’une partie des sujets a été renvoyée, sur la promesse de la ministre, à la rédaction d’un texte issu des états généraux de l’information, qui devrait les intégrer. Mais aussi à la volonté de la majorité d’accélérer. Rendez-vous le 30 juin dans l’Hémicycle donc, où se répercutera, promet Alexis Corbière, « la voix des syndicats des salariés très inquiets de la mise en danger de leurs métiers », qui se mobiliseront le jour même. « Comptez sur nous pour faire entendre une opposition résolue. »