Commission d’enquête Bétharram : « Ce rapport ne finira pas sur une étagère »
Le rapport propose de centraliser les signalements de violences dans une cellule « Signal Éduc ». Pourquoi est-ce nécessaire ?
Violette Spillebout
Députée Ensemble du Nord, corapporteure de la commission d’enquête parlementaire
Il y a dans la loi une obligation de signalement pour les fonctionnaires, l’article 40 du Code de procédure pénale, et dans l’éducation nationale, un système de signalement à la hiérarchie. Mais la culture du signalement n’est pas acquise, pas plus que le suivi des suites quand l’un d’entre eux est fait. Les procédures sont méconnues, on mélange les articles 40 et les informations préoccupantes, qui concernent les problèmes intrafamiliaux ; il arrive que des lanceurs d’alerte potentiels se taisent car la procédure passe par le chef d’établissement… qui peut être impliqué.
Il n’existe pas, en fait, de dispositif pour signaler efficacement et en toute indépendance. Notre proposition reprend le modèle de « Signal Sports », qui fonctionne bien et donne des résultats, avec des personnes formées au recueil de la parole et à l’accompagnement dans les démarches. Et cela permettrait aussi d’avoir des statistiques, de la transparence.
La levée du secret de la confession pour les violences sur mineurs de moins de 15 ans est-elle réaliste ?
C’est une nécessité impérative pour protéger les enfants. Quand un prêtre a connaissance de tels faits, il a le devoir citoyen de les dénoncer. Les règles de la République doivent s’appliquer partout et pour tous. D’ailleurs quand nous l’avons auditionné, le président de la Conférence des évêques de France lui-même ne s’est pas montré fermé à cette proposition.
Nombre de vos recommandations nécessitent un passage par la loi. Comment pensez-vous y parvenir ?
Avec Paul Vannier, nous n’envisageons pas de nous arrêter là. Ce rapport ne finira pas sur une étagère. Dès la rentrée prochaine, nous allons travailler à en faire une proposition de loi transpartisane. Surtout, nous allons travailler avec les présidents des groupes parlementaires pour qu’elle soit bien inscrite au calendrier législatif et discutée. Il ne s’agira pas juste de la déposer comme un témoignage. Ce serait insupportable pour les victimes.
Certaines d’entre elles se montrent assez sceptiques, malgré tout. Que leur dites-vous ?
Que je les comprends, d’abord. Avant nous, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) ont également formulé leurs recommandations, et les victimes ne les voient pas se concrétiser. Nous travaillons dans la confiance, de manière transpartisane. On peut avancer. Sur le fonds d’indemnisation et la reconnaissance des victimes, le Premier ministre a fait un pas, nous pouvons nous appuyer là-dessus. Surtout, nous nous engageons : tant que nous sommes tous les deux députés, nous resterons déterminés et actifs.
Qu’avez-vous mis au jour au long de vos travaux : des déviances individuelles ? Un système de violences ? Une culture de la domination des enfants par les adultes ?
Ce travail était nécessaire pour lever l’omerta : pour les victimes qui avaient déjà parlé sans être entendues et n’y croyaient plus, et pour celles qui, depuis, ont trouvé le courage de parler. Il fallait mettre sur papier cette réalité, l’ampleur de ces actes pédocriminels, humiliations, travaux forcés… Ce sont des choses qui détruisent les enfants, les adultes qu’ils deviennent, et même leur descendance. Cela montre que la maltraitance est liée à la non-considération de la parole de l’enfant. Mais nous ne sommes pas allés jusqu’à une conceptualisation du phénomène. Notre commission est restée factuelle, pragmatique.
« Tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter » : ce fameux slogan de Gabriel Attal signifie-t-il que vous ramez à contre-courant dans votre propre majorité ?
Non. La commission d’enquête a été créée par un vote unanime de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation ; notre rapport a été adopté largement par tous les partis politiques de l’Assemblée nationale, y compris les collègues de mon groupe. Certains ont pu reprocher à Paul Vannier une volonté d’instrumentalisation politique ou une concentration sur l’enseignement catholique – qui correspond seulement à la réalité.
Mais dans tous les groupes politiques, il y aura des députés qui se sentiront concernés. Et, au-delà, pour avoir fait très récemment une réunion publique à Lille, à laquelle participaient de nombreux représentants de l’enseignement catholique, j’ai constaté qu’après deux heures de débats, une adhésion totale avait remplacé les réticences initiales. Notre travail n’est pas dogmatique : il est juste.
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