Affaire Bétharram : la commission d’enquête de la congrégation lance un appel à témoins, des victimes dénoncent une « opération blanchiment »

La commission d’enquête indépendante sur les violences sexuelles et physiques commises à Notre-Dame-de-Bétharram, créée à l’initiative de la congrégation religieuse, lance lundi 23 juin un appel à témoignages. Elle démarre les auditions de victimes, mais aussi de prêtres ou témoins, à des fins d’indemnisation.

En mars, les Pères de Bétharram avaient reconnu leur « responsabilité » dans les violences physiques et sexuelles survenues au sein de l’établissement catholique du Béarn et annonçaient des mesures avec l’aide de l’Institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD), une association spécialisée dans la justice restaurative dans le monde.

En quête de réparation

La commission d’enquête indépendante, dévoilée en avril 2025, est chargée d’établir la nature des violences commises pendant plusieurs décennies et de proposer ainsi des mesures de reconnaissance à l’égard des victimes. Parmi elles figurait la mise en place d’une commission dédiée, portée par dix commissaires et quatre commissaires référents et financée par les religieux à hauteur de 120 000 euros pour une mission de 12 mois.

Un de ces commissaires référents se trouve d’ailleurs être Alexandre Perez, le très controversé porte-parole du Collectif des victimes de Bétharram et élu municipal à Pau, proche de François Bayrou. Dans une enquête de Mediapart, on peut apprendre que le conseiller municipal aurait créé un compte anonyme sur les réseaux sociaux pour décrédibiliser plusieurs témoins clés de l’affaire dans le seul but de défendre l’actuel premier ministre. De quoi soulever des questions.

L’appel à témoignages s’adresse aux victimes, celles qui ont déjà parlé ou porté plainte et celles qui ne se seraient pas encore manifestées, mais aussi à des témoins éventuels et à toute personne ayant des informations à communiquer.

Les auditions de victimes et témoins débutent ce lundi et se poursuivent avec celles de prêtres et d’auteurs de violences en juillet, puis entre septembre et décembre.

Pour le président de l’IFJD, Jean-Pierre Massias, professeur de droit à l’Université de Pau, « le but, c’est d’essayer d’analyser une somme de violences individuelles comme un fait social collectif et d’être capable d’en tirer des enseignements ».

Le « portrait-robot » de cette violence s’appuiera sur la parole des victimes, une manière de leur reconnaître un statut que la justice pénale, « entravée par la question de la prescription », ne peut pas leur accorder, selon ce professeur de droit.

La commission espère rendre son rapport dans un an, cependant elle n’écarte pas de proposer des mesures de réparation « avant Noël », « parce que c’est urgent ».

« Opération blanchiment »

Plusieurs victimes dénoncent toutefois une « opération blanchiment ». « La justice doit demander des comptes à la Congrégation qui est responsable de tout ça », fustige l’ancien élève Marc Lacoste-Séris, qui a porté plainte dès les années 1990.

Si cet appel à témoignage, lancé par la congrégation religieuse de Bétharram, paraît être essentiel, reste à savoir quelles sont leurs réelles intentions et peut-on vraiment attendre que toute la lumière soit faite sur le scandale ?

« On sait que les victimes vont être déçues, elles le sont toujours et ont raison de l’être, elles sont en colère », concède Jean-Pierre Massias. Mais « on est là pour blanchir personne. Ni la congrégation, ni François Bayrou, ni personne », affirme le professeur de droit.

L’État doit « assumer une partie des responsabilités »

Reste que la question de la réparation sera épineuse. Un audit doit évaluer les finances de la Congrégation mais « si l’on fait le calcul de tout ce qu’ils vont devoir payer, ils n’en ont pas les moyens », alerte le président de la commission.

La congrégation a déjà indemnisé à hauteur de 700 000 euros, soit 60 % de ses finances, 19 victimes de violences sexuelles prescrites perpétrées par des religieux, reconnues par la commission de reconnaissance et réparation (CCR), selon des chiffres donnés par Laurent Bacho, prêtre à Bétharram chargé du sujet. Contacté par l’AFP, il n’a pas souhaité s’exprimer.

Pour Jean-Pierre Massias, il existe d’autres pistes envisageables : « C’est un établissement sous contrat donc il ne serait pas scandaleux d’envisager que l’État assume une partie des responsabilités, tout comme l’enseignement catholique. »

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