Audiovisuel public : le texte maudit débarque au Sénat

Rachida Dati se livre à une véritable vendetta. Depuis plusieurs mois, la ministre de la Culture porte à bras-le-corps une proposition de loi sur l’audiovisuel public visant à réunir dans une holding France Télévisions, Radio France et l’INA. Avec un patron commun, donc, au risque de réorienter les lignes éditoriales. Après un rejet par l’Assemblée nationale le 30 juin, l’examen de ce texte porté par le sénateur Laurent Lafon (Union centriste) revient en seconde lecture au Sénat à partir du jeudi 10 juillet. Soit à vingt-quatre heures de la suspension des travaux parlementaires pour la pause estivale.

Dans la course à la mairie de Paris, « Rachida Dati ne veut pas laisser son bilan de ministre vide en mémoire, relève Pierre Ouzoulias, sénateur PCF. Elle se dépêche et bouscule le calendrier pour montrer de quoi elle est capable en se battant pour une réforme qui n’est même pas la sienne. » Pour elle, ce projet va permettre de faire de grosses économies sur le service public et donc de le « sauver face aux groupes privés et aux plateformes ».

Centraliser le pouvoir de l’exécutif sur l’audiovisuel public

Drôle de justification, surtout à l’heure où France Télévisions et Amazon Prime entament un partenariat. D’autant que, depuis le début du premier mandat d’Emmanuel Macron, les budgets de l’audiovisuel public ont diminué comme peau de chagrin, entraînant des restrictions de reportages et d’émissions tous azimuts.

La ministre n’a que faire des journalistes de l’audiovisuel public. « En plateau, elle frôle l’irrespect », constate Jérémy Bacchi, sénateur PCF membre de la commission de la Culture, de l’Éducation, de la Communication et du Sport. Pour lui, cette réforme « vient centraliser le pouvoir de l’exécutif sur l’audiovisuel public, elle ne peut donc être déconnectée de son rapport avec les journalistes ».

« Juste après le journal l’Humanité et les autres médias indépendants, le service public est le dernier îlot sûr. Ce qui ne plaît pas à la droite trumpiste », ajoute Pierre Ouzoulias. Alors, celle-ci avance tête baissée en négociant tacitement avec le Rassemblement national, qui prône la privatisation. Pour les sénateurs de gauche, le RN aurait voté la motion de rejet à l’Assemblée nationale pour contourner les discussions.

Mais, pour Pierre Mouchel, secrétaire général du SNRT-CGT et délégué central CGT de France Télévisions, la position du RN interroge. « En Hongrie et en Italie, l’extrême droite ne privatise pas. Viktor Orban a mis en place une holding en plaçant à sa tête l’un de ses hommes pour reprendre l’audiovisuel public et en faire un outil de propagande », met-il en avant. Si le RN retourne sa veste et ne s’oppose plus au texte, ses véritables intentions seront alors claires.

Jérémy Bacchi observe des sensibilités différentes chez les sénateurs de droite et centristes : « Sur ce vote, la droite peut se fracturer. Il y a une diversité de pensée qui peut changer la donne », espère-t-il. Dans la lutte contre la désinformation et la possible dérive de privatisation de la holding, communistes, socialistes et écologistes appellent dans un communiqué commun à « l’abandon de cette proposition de loi ». Un choix plus que nécessaire, pour l’information, comme pour le reste des missions du service public, soit l’éducation et le divertissement.

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