Janus, dieu romain aux deux visages, serait-il sorti de sa mythologie ? C’est en tout cas ce qu’essaie d’instiller la France insoumise, convoquant la divinité dans une affiche des plus outrancières. Publiée sur les réseaux sociaux du groupe parlementaire avant d’être retirée, elle n’a pas manqué de susciter l’indignation.
On y voit, dos à dos, les visages souriants d’Olivier Faure et de Marine Le Pen avec l’inscription : « Deux censures non votées par le PS et le RN – Les nouvelles alliances. » D’autres visuels circulent, avec des photos de députés socialistes (Philippe Brun, Boris Vallaud, François Hollande…) et lepénistes (Laure Lavalette, Jean-Philippe Tanguy…).
« Ils soutiennent le gouvernement », avancent ces tracts. « Pren(ant) acte de la décision de l’interruption par le Parti socialiste du Nouveau Front populaire (NFP) », les insoumis ont également proposé, dans un communiqué, une « réunion de tous les parlementaires ayant voté la censure ». Sans les 60 socialistes sur 66, que la FI veut exclure du NFP, car ils ont refusé de renverser, mercredi, le gouvernement de François Bayrou sur le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale.
« Ce n’est pas le moment d’afficher les fractures »
« Jamais depuis 1945, même lors des pires renoncements du PS pendant la guerre d’Algérie, (…) jamais une organisation de gauche n’a fabriqué un visuel mettant sur le même plan un fasciste et le chef du PS », dénonce le député du groupe Écologiste et social, Alexis Corbière, ex-bras droit de Jean-Luc Mélenchon. Les socialistes ont aussi bondi devant le parallèle. Jérôme Guedj, déjà peu client de la coalition avec les insoumis, assure qu’« il n’y aura plus jamais d’alliance entre le PS et la FI ».
Sans aller jusque-là, le premier secrétaire Olivier Faure, personnellement visé, a déclaré que « viendra sans doute le temps des excuses ». « Nous ne les accepterons pas », a ironisé, en guise de réponse, la députée FI Sarah Legrain. Avant que, sur BFM, la présidente du groupe insoumis, Mathilde Panot, rétropédale mollement : « Nous n’avons jamais mis d’équivalence entre le PS et l’extrême droite. Ils n’ont absolument rien en commun. Par contre, il y a une responsabilité commune (…) de sauver Emmanuel Macron. »
Rassemblement impossible ?
Peut-on imaginer, dans cette ambiance volcanique, une suite au rassemblement de la gauche ? Veulent-ils encore travailler ensemble ? Diriger le pays ensemble ? « Les socialistes se sont fondus dans le macronisme. Il faut les traiter comme tels. S’ils sont à nouveau sur la ligne Hollande, il devient impensable de gouverner avec eux », rétorque l’insoumis Aurélien Le Coq. Son mouvement ne supporte pas, non plus, de voir le PS se ragaillardir depuis 2022 au point de contester l’hégémonie de la FI sur la gauche. Surtout lorsque les trois autres groupes du NFP écartent l’idée d’une présidentielle anticipée, souhaitée par les insoumis pour porter au plus vite Jean-Luc Mélenchon à l’Élysée. « Je travaille pour », a lâché Manuel Bompard, coordinateur de la formation, au média étudiant Gem en débat.
Pour autant, la direction socialiste – qui se considère toujours membre du NFP – entend suivre la voie de l’union. Tout en ayant acté la candidature de Jean-Luc Mélenchon. « Je souhaite qu’il y ait un candidat pour le reste de la gauche », a lâché Olivier Faure sur France Inter. « Si la gauche est amenée à gouverner, elle le fera dans sa diversité, veut croire le socialiste Arthur Delaporte. Face à l’adversité, nous devons être capables de nous unir. »
« Ce n’est pas le moment d’afficher les fractures. La crise politique peut nous amener aux responsabilités à tout moment », met en garde Alexis Corbière. Et sa collègue écologiste Christine Arrighi d’abonder : « Gouverner tous ensemble demain, malgré nos différences d’approche sur le budget, est plus que possible. C’est souhaitable et nécessaire ! » Pour preuve, assure le député GDR Emmanuel Maurel, « le NFP était d’accord sur 99 % des amendements dans le débat budgétaire » car « il y a une communauté de valeurs et de principes » au sein de la coalition.
Questionné sur l’avenir du NFP dans l’émission Twitch de l’Humanité « Ça ira », Ian Brossat ne disait pas autre chose lorsqu’il affirmait que l’union est « une condition nécessaire mais pas suffisante » pour la victoire. « La menace de l’extrême droite n’a pas fondamentalement changé par rapport aux législatives, rappelle le porte-parole du PCF. Ce serait irresponsable de dire que chacun part désormais dans son coin. »
Cette même extrême droite, qui n’est plus à une fourberie près, a très bien compris son intérêt à diviser la gauche. « Si le PS avait censuré, nous aurions probablement censuré », a lâché, sur Sud Radio, le député RN Jean-Philippe Tanguy. Comme pour appuyer sur les fractures.
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