Les 100 jours de Donald Trump : "Sa popularité décline mais ce n'est pas un effondrement", observe Corentin Sellin, spécialiste des États-Unis

"Les 100 jours les plus réussis" de l'histoire américaine, a lancé, autosatisfait, Donald Trump mardi 29 avril devant ses partisans dans le Michigan. Après 100 jours et plus de 140 décrets déjà signés, le deuxième mandat du président américain est déjà marqué par une série d'annonces brutales et de volte-face, avec une guerre commerciale annoncée, des expulsions massives, des dizaines de milliers de licenciements dans la bureaucratie fédérale, des attaques contre les médias, l'éducation, les scientifiques et des Américains qui commencent à déchanter face à l'inflation.

"Une forme de démocratie est aujourd'hui attaquée", analyse le spécialiste des États-Unis et professeur agrégé d'Histoire, Corentin Sellin, invité du "8h30 franceinfo" mercredi 30 avril. Pourtant, cet "éléphant dans un jeu de quille" continue de plaire à beaucoup de ses partisans, observe ce spécialiste qui tempère sur "l'effondrement" de sa popularité.

franceinfo : Après ces 100 jours de mandat qui ont secoué l'Amérique, Donald Trump a t-il toujours le soutien de ses électeurs ?  
 
Corentin Sellin : Il y a un déclin dans l'opinion publique générale, mais par rapport à ses partisans, il est toujours aussi populaire. Tous les sondages donnent entre 86 et 90% d'approbation des Républicains. C'est un éléphant dans un jeu de quille et ils aiment ça. Ils aiment aussi le côté spectaculaire de l'action de Trump, qui renverse la table. Pour beaucoup de ses partisans, il y a un côté enivrant, de vivre la présidence au quotidien. On voit ce qu'il dit, il peut revenir en arrière. Il faut quand même insister sur un point : les tarifs douaniers, les gens ont voté pour cela.  

Là où il a un peu plus de mal, c'est avec ses nouveaux électeurs. Ils étaient venus à lui pour la baisse des prix. Effectivement, on le voit dans les sondages, ces nouveaux électeurs, en particulier dans les minorités hispaniques, africaines, américaines, s'inquiètent.

Sa popularité, certes, décline [39% des Américains "approuvent" son action selon un sondage du Washington Post et ABC News] mais ce n'est pas non plus un effondrement. Depuis deux décennies, il est impossible pour un président américain de dépasser les 50% dans les sondages.

Le bras de fer commercial engagé avec la Chine et la guerre des tarifs douaniers ont-ils déjà des conséquences sur l'économie américaine ?  

Si on regarde les chiffres tels qu'ils sont aujourd'hui, on a un taux d'inflation qui est au plus bas depuis plusieurs années, à 2,4% par an. Donc à court terme, il n'y a pas d'impact. Mais, et Donald Trump le reconnaît lui-même, s'il va au bout de sa démarche de protectionnisme douanier, on aura incontestablement une hausse des prix à la consommation. C'est inévitable, c'est mécanique, mais ce n'est pas tout de suite. Si on regarde les chiffres macroéconomiques, les chiffres d'emploi sont toujours excellents. Mais on a bien vu que les menaces sur l'avenir ont fait tanguer les marchés financiers et c'est ce qui a amené Donald Trump à revenir en arrière sur les tarifs douaniers, à faire une pause de trois mois, sauf pour la Chine, avec laquelle là, par contre, il veut maintenir la guerre douanière. 
 
La démocratie est-elle menacée ? 

Une forme de démocratie est aujourd'hui attaquée. Celle qui avait émergé après le Watergate, il y a 50 ans aux États-Unis, c'est-à-dire une démocratie avec de très forts contre-pouvoirs vis-à-vis de la présidence et de l'exécutif. Ce que veut remettre en cause Trump. Il veut un pouvoir exécutif qui ne soit limité quasiment par rien, avec très peu de contre-pouvoirs du congrès, législatif ou des tribunaux. Sans conteste, il y a aujourd'hui une attaque de Trump là-dessus. C'est du jamais vu de voir un président dire s'amuser, dire tiens, je pourrais faire un troisième mandat alors que c'est interdit formellement par le 22e amendement de la Constitution. Donc on voit bien qu'il y a des garde-fous de la démocratie qui sont attaqués pour aller vers une verticale du pouvoir. Il y a un risque de dérive autoritaire s'il parvient à ses fins maintenant. C'est pour ça qu'il faut voir si le rempart que constitue en particulier le pouvoir judiciaire fédéral [qui a bloqué beaucoup des 140 décrets déjà signés] va tenir.