« Les parlementaires ont été au niveau de l’enjeu » : les victimes de violences saluent le travail de la commission « Bétharram » mais s’interrogent sur ses suites
« Cela fait un peu plus de deux mois que la commission a commencé ses travaux, mais j’ai l’impression que cela a duré deux ans. » Ancienne élève de l’Institution Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine, Constance Bertrand a représenté les victimes de violences au sein de cet établissement privé catholique des Hauts-de-Seine devant la commission d’enquête parlementaire, le 20 mars.
Depuis, pas un jour ne passe, ou presque, sans qu’elle reçoive de nouveaux témoignages de victimes. « Des personnes, parfois âgées de 80 ans, m’écrivent et me racontent les violences atroces qu’elles ont subies, enfants, à St-Do ou ailleurs. Le premier mérite de cette commission a été de permettre que cette parole, qui s’était parfois exprimée il y a longtemps, ou pas du tout, soit enfin entendue, et ce par des représentants de la puissance publique. »
« Un milieu rétif à tout contrôle »
Tous les porte-paroles des collectifs que l’Humanité a contactés le reconnaissent : les membres de la commission sur les violences dans les établissements scolaires ont fait un travail « sérieux », « honnête », « exhaustif ». « J’ai trouvé qu’ils avaient été loin dans l’interrogatoire des responsables de ce silence pendant tant d’années », estime ainsi Éveline Le Bris, représentante du Collectif des victimes des institutions du Bon Pasteur.
« Les parlementaires ont été au niveau de l’enjeu, ils connaissaient parfaitement leurs dossiers et les victimes ont eu le sentiment d’avoir été écoutées, confirme Didier Vinson, qui a témoigné au nom des victimes du collège Saint-Pierre, au Relecq-Kerhuon (Finistère). Même si certaines auditions ont pu donner l’impression de se résumer à un affrontement politique, d’autres, comme celle du secrétaire général de l’enseignement catholique Philippe Delorme, ont permis de montrer combien ce milieu était rétif à tout contrôle. »
Sur les suites qui pourraient être données aux propositions de la commission d’enquête, attendues fin juin, ces anciens pensionnaires d’établissements catholiques se montrent plus prudents. « Je n’ai aucune confiance dans le gouvernement actuel pour traduire en actes ce qui pourrait sortir de la commission, tranche Didier Vinson. Depuis les manifs contre la loi Savary, en 1984, l’Église fait peur, on lui laisse faire ce qu’elle veut. Il faut que ça change. Mais je ne crois pas que la majorité très à droite qui gouverne ce pays en ait la volonté. »
Guère convaincue par la prestation de François Bayrou devant les députés, Constance Bertrand veut toutefois retenir son soutien à la création d’une « autorité indépendante » consacrée aux violences contre les enfants. « Ce serait une réelle avancée », estime celle qui attend aussi « une reconnaissance officielle de l’ampleur du désastre causé par ces décennies de violences ».
Ils réclament l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs
Reçu le 21 mai par deux conseillères du premier ministre, Arnaud Gallais, le fondateur de Mouv’ Enfants, a rappelé la nécessité d’appliquer les 82 recommandations de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et de mettre en place une « justice transitionnelle », qui permette de reconnaître toutes les victimes.
« Pour cela, il faut rendre imprescriptibles les crimes sexuels sur mineurs et allonger à trente ans la prescription en matière de non-dénonciation », plaide le militant. Pour « faire sauter cette prescription » (fixée, en cas de viol, à trente ans après la majorité de la victime), quatre anciens élèves de l’école catholique Ozanam de Limoges, où officiaient des membres de la Congrégation de Notre-Dame de Bétharram, ont porté plainte contre cette dernière, début mai, pour « crime contre l’humanité ».
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