Un nouvel appel à cesser le flicage. Ce mercredi 17 septembre, lors de la conférence de rentrée du Syndicat de généralistes MG France, les médecins sont montés au créneau contre la pression des économies sur l’assurance-maladie qui rejaillit sur eux comme sur leurs patients.
Dans le ton du plan d’austérité présenté avec fracas mi-juillet par François Bayrou, prévoyant 5,5 millions d’euros de coupes dans la santé en 2026, la saison estivale n’a pas connu de trêve dans la répression. Pendant que les généralistes subissaient les contrôles de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), plusieurs ministres déclaraient que 50 % des arrêts maladie de plus de dix-huit mois étaient injustifiés, un chiffre totalement démystifié depuis.
« Certains patients relèvent tout simplement de l’invalidité, explique Agnès Giannotti, présidente de MG France. Ce n’est pas parce que la vie des gens ne rentre pas dans les tableaux Excel de la Cnam qu’il faut mener cette politique de bouc émissaire stigmatisante pour les malades comme pour les soignants. »
MG France, accompagnant dans le cadre de son opération « Transparence IJ » (indemnités journalières) une centaine de médecins visés par des mises sous objectif (MSO) ou des mises sous accord préalable (MSAP) par l’assurance-maladie pour avoir prescrit trop d’arrêts, souligne que 32 % d’entre eux ont vu ces procédures abandonnées.
« La méthode de contrôle est bancale, observe la généraliste. Leur algorithme reste un secret industriel, il faudrait le rendre public ! Seuls les médecins dans des situations similaires devraient être comparés. (…) Ce n’est pas comme ça que l’on fait de la santé publique ! »
Parmi les confrères ciblés, Jean-Christophe Nogrette, vice-président de MG France, cite une médecin de 40 ans, exerçant dans une zone désertifiée, avec 30 % d’arrêts de travail et 25 % de patients bénéficiant du complément de santé solidaire (C2S). « À qui peut-on comparer ses prescriptions et sa situation ? » s’interroge-t-il.
Sur sa lancée, la Cnam prévoit pourtant une nouvelle campagne coercitive d’ici la fin de l’année. « Médiatiser ce type d’initiative est irresponsable, on fait passer les patients pour des bons à rien. Mardi, une personne qui ne tenait pas debout dans mon cabinet a refusé un arrêt maladie et est allée travailler », déplore Agnès Giannotti.
Le projet de maisons « France Santé » reste bien flou
Malgré l’incertitude liée à la démission du gouvernement, la nomination du nouveau premier ministre Sébastien Lecornu a déjà entraîné quelques annonces. Le projet de 5 000 maisons « France Santé » à l’horizon 2026 a laissé les blouses blanches incrédules. « Qu’est-ce que c’est ? De l’offre de soins là où il en manque ? Qui met-on dedans ? Est-ce que ça sera un guichet comme les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ? On veut des soins de qualité, pas du « one shot » avec des soins non programmés », estime Agnès Giannotti.
Dans tous les cas, selon Jean-Christophe Nogrette, alors que la démographie médicale est en berne, « plus de médecins pourraient être mobilisés. S’il s’agit de maisons de santé, il en faudra deux dans chaque structure. Ce qui pourrait représenter 10 000 soignants ».
Le syndicat se montre aussi perplexe face au dispositif de solidarité territoriale qui vient d’être mis en place, consistant à proposer à des médecins exerçant en zones non tendues de consacrer deux jours par mois à un territoire sous-doté. « Y a-t-il beaucoup de volontaires ? On ne sait pas, constate Agnès Giannotti. Avoir un cabinet secondaire, ça ne s’invente pas, il y a beaucoup d’éléments techniques à mettre en place : les logiciels, la facturation, la carte professionnelle… Si les collègues vont dans des maisons de santé pluriprofessionnelles, cela permettrait de se dégager de certains problèmes. »
Alors que l’étau des économies ne cesse de se resserrer autour des praticiens, les centres de soins non programmés, eux, continuent de fleurir dans les centres-villes, bien loin des déserts médicaux. « Ces structures, très financiarisées ne suivent pas les pathologies chroniques. Cela ne facilite pas l’accès aux soins », poursuit-elle.
Quant aux plateformes de téléconsultation, elles ne risquent pas non plus de contribuer à résorber le déficit de la Sécu, estimé à 16 milliards d’euros pour 2025. « Dans un département où des contrôles ont été effectués, un million d’euros d’indus (des majorations abusives) ont été détectés. Il y a 101 caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM) en France, pourquoi ces contrôles de plateformes n’ont pas été dupliqués ailleurs si on veut faire des économies ? Nous demandons une équité de traitement », tonne la généraliste.
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