« Vous pourriez tomber aussi sous ce délit » : Rachida Dati menace Patrick Cohen en direct

La ministre de la Culture, Rachida Dati est une habituée de la politique de la terre brûlée : quand une question la gêne, elle dégage en touche, et provoque une polémique qui brouille les pistes. C’est le journaliste Patrick Cohen qui en a fait les frais, ce mercredi 18 juin, dans l’émission C à Vous sur France 5.

Mercredi soir, la ministre était l’invitée de l’émission pour parler de l’adoption du projet de holding de l’audiovisuel public en commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. L’interview s’est déroulée normalement, en s’autorisant des détours sur les prochaines élections municipales à Paris, ou le retrait de la Légion d’Honneur à Nicolas Sarkozy.

Jusqu’au moment où le journaliste Patrick Cohen l’a poussée dans ses retranchements en l’interrogeant sur les 299 000 euros d’honoraires qu’elle aurait perçus de GDF-Suez en 2010-2011, alors qu’elle était eurodéputée et avocate, comme en ont témoigné les magazines Complément d’Enquête de France 2 et Le Nouvel Obs. « J’ai été entendue, scannée, vérifiée », s’agace-t-elle dans un premier temps, avant de perdre les pédales : « Vous savez comment ça marche, au Parlement européen ? Vous savez comment ça marche ? Vous portez des amendements à titre personnel ? Vous n’avez pas d’éléments de ce qui a été dit, vous n’avez pas été (sic) vérifier ».

Et là, d’embrayer : « Monsieur Cohen, il y a une enquête Mediapart qui vous a mis en cause pour harcèlement, management toxique. Est-ce que c’est vrai monsieur Cohen ? Est-ce que vous harcelez vos collaborateurs ? Est-ce que vous êtes désagréable avec lesquels vous travaillez ? »

« Je peux saisir le tribunal »

La ministre de la Culture fait alors référence à une enquête du média en ligne, datée du 3 février dernier, qui met effectivement en cause le journaliste sur son mode de management, lorsqu’il présentait la Matinale de France Inter entre 2010 et 2017, et d’un témoignage sur la période 2007-2008, où il en était rédacteur en chef. Pour autant, précise Mediapart, « les salariés ne demandent pas l’ouverture d’une enquête interne, assortie de possibles sanctions, mais souhaitent consigner des faits, dire qu’ils ont existé, au cas où la direction viendrait de nouveau à lui confier des responsabilités, ou s’il y avait la moindre récidive ».

Devant le refus de lui répondre, la ministre a demandé à Anne-Élisabeth Lemoine si elle est maltraitée. Et en monopolisant la parole et l’espace, elle a menacé le journaliste : « J’en ai fait une politique pénale, de la lutte contre le harcèlement, monsieur Cohen. Vous pourriez tomber aussi sous ce délit. Il suffirait que je fasse un article 40 pour dénoncer suite à ce papier de Mediapart. je peux saisir le tribunal ». Anne-Élisabeth Lemoine a tenté de la couper : « C’est une simple question. Il ne s’agit pas de décrédibiliser les journalistes qui vous posent des questions ». « Ce n’est pas très reluisant ce que vous faites là, madame Dati », a protesté tranquillement Patrick Cohen.

Les réactions n’ont pas tardé. Le sénateur communiste Pierre Ouzoulias a estimé que cette séquence, « c’est l’ORTF dirigée par Tony Montana. Pour mieux se défaire de ses démêlés judiciaires, Rachida Dati, ministre de la Culture, menace un journaliste du service public (dont elle a la tutelle) en direct. Quelle honte ». Le sénateur socialiste Rémi Féraud, candidat à la mairie de Paris, a écrit sur les réseaux sociaux : « Le trumpisme, c’est ça : attaquer la presse avec violence pour ne pas répondre à ses questions ». Pour lui, « la place de Rachida Dati n’est ni au gouvernement, ni dans les élections municipales, mais devant les tribunaux ». David Belliard, des écologistes, estime qu’« insulter, diffamer des journalistes quand on lui pose des questions, c’est ça, Rachida Dati ».

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