COP30 : la trajectoire climatique européenne s’embourbe, la faute à la France qui trouble le jeu

Les leaders européens nous feraient-ils le coup de la panne ? Longtemps fixée comme une priorité à l’agenda de l’Union européenne (UE), la lutte contre le réchauffement planétaire a depuis été reléguée au profit de la compétitivité et de la course à l’armement.

Ce constat amer découle de l’impasse à laquelle sont actuellement confrontés les Vingt-Sept, dont les ministres respectifs de l’Environnement se sont réunis, jeudi, à Bruxelles, pour tenter d’accoucher d’un objectif climatique européen à horizon 2040. De cette ambition devait être tirée une cible commune de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035, telle qu’exigée en vertu de l’accord de Paris, aussi nommée les contributions déterminées au niveau national (NDC).

La trajectoire climatique, un point d’achoppement entre les États membres

Les États sont censés les soumettre ou les mettre à jour tous les cinq ans auprès des Nations unies, en l’occurrence d’ici le 24 septembre, à l’occasion de l’Assemblée générale, à New York, mais surtout en vue de la COP30, qui débutera le 10 novembre, à Belém (Brésil).

Alors que les NDC sont un enjeu primordial, avant tout parce qu’elles constituent l’instrument de planification de la baisse des émissions de CO2, force est de constater qu’à l’issue de la réunion des ministres européens de l’Environnement, l’échec est cuisant, tant cette question de la trajectoire climatique à adopter est devenue un point d’achoppement entre les États membres.

La base de négociations étant l’objectif établi par la Commission, à savoir une décarbonation de l’Europe à hauteur de – 90 % en 2040, pour atterrir sur la neutralité carbone en 2050.

Pour sauver les meubles, le Danemark, qui occupe la présidence tournante de l’UE, s’est contenté d’une « déclaration d’intention » : la présentation d’une fourchette de baisse des émissions linéaire pour les dix ans à venir, entre – 66,3 % et – 72,5 % par rapport à 1990. Ce qui permettrait ainsi de gagner un peu de temps et d’espérer arracher un compromis plus précis d’ici le sommet onusien brésilien.

Stratégie gagnante ou vœu pieux ? C’est en tout cas cette fourchette intermédiaire que l’hyperprésidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, devrait porter à l’ONU dès la semaine prochaine. « Au bout du compte, nous continuerons d’être soit les plus ambitieux, soit parmi les plus ambitieux », s’est vanté, jeudi, Wopke Hoekstra, commissaire européen au Climat. C’est ce qui s’appelle se leurrer.

Derrière cette léthargie ambiante se joue un blocage institutionnel mené de front par la France, accompagnée notamment par la Pologne, la Hongrie ou encore l’Italie. Et Berlin a désormais rejoint Paris dans son exigence que « la discussion n’ait pas lieu de manière ordinaire – soit au travers du Conseil des ministres de jeudi – mais au niveau du Conseil européen, avec les chefs d’État et de gouvernement », souligne à l’Humanité Neil Makaroff, directeur du think tank Strategic Perspectives.

Cela impliquerait un vote non plus à la majorité qualifiée des ministres de l’Environnement, mais à l’unanimité des Vingt-Sept, les 23 et 24 octobre prochains. « Il s’agit pour eux de faire monter les enchères pour parvenir à un accord, quitte à le faire capoter, ajoute-t-il. C’est un pari extrêmement risqué pour la crédibilité de l’UE. »

Un backlash écologique en corrélation avec la montée de l’extrême droite

La France cherche en réalité à remodeler l’objectif climatique 2040 de l’UE à sa guise, en réclamant des garanties sur le financement de la décarbonation de l’industrie, sur la réindustrialisation, mais aussi sur la prise en compte du nucléaire – au cœur du mix énergétique français – parmi les sources de décarbonation. Sur cette dernière condition, la Commission lui a concédé des avancées. Mais le compte n’y est toujours pas.

Au-delà d’Emmanuel Macron, pour certains responsables européens tels que le nationaliste Viktor Orbán en Hongrie, le véritable dessein de cette fronde n’est pas d’obtenir de la flexibilité sur les engagements climatiques, mais bien de les torpiller. L’accord de Paris, qui fête cette année ses 10 ans, est donc en train de faire l’objet d’un jeu de dupes. La principale conséquence de ce brouillage est que les États membres « pourraient être les derniers à porter un objectif clair à la COP30 » ou, dans le pire des scénarios, qu’il n’y ait tout simplement « pas d’accord », craint Neil Makaroff.

Le temps où l’Europe était la mieux-disante sur les enjeux climatiques semble révolu. D’autant que cet imbroglio s’ajoute à d’autres reculs, à l’instar du détricotage du Pacte vert par la très droitière Commission européenne, ainsi que du deal inique UE – États-Unis convenu entre Donald Trump et Ursula von der Leyen dans le dos des Vingt-Sept. Telles sont les occurrences d’un backlash écologique en corrélation avec la montée de l’extrême droite sur le continent. Ce qui est certain, c’est que la perte du leadership européen en matière de climat aura un impact notable à Belém, en novembre.

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