"Aucun président n'a jamais essayé d'interférer avec notre travail" : pourquoi Donald Trump fait craindre le pire aux historiens américains

C’est l’autre combat mené par l’administration Trump depuis 100 jours : la guerre culturelle dans laquelle s’est lancé le président américain en parallèle de son conflit commercial. Les questions de diversité, de minorités ethniques, de genre ou de religion, au cœur des batailles culturelles qui enflamment la société américaine, ont déjà fait l'objet de près de 40 décrets de la part de l'administration Trump.

Dès le 20 janvier, le président ordonnait aux agences fédérales de retirer le mot "genre" des documents administratifs, niant l'identité de genre. D'autres décrets suivent, pour exclure les personnes transgenres de l'armée, stopper des programmes de discrimination positive à l'embauche, ou "éradiquer le biais anti-chrétien" au sein du gouvernement fédéral. Il a également ordonné de renommer le Golfe du Mexique "Golfe d'Amérique", et le Mont Denali, en Alaska - rebaptisé de son nom autochtone sous Barack Obama -- en Mont McKinley.

"Endoctrinement idéologique"

Par décret du 27 mars, il a également décidé de reprendre en main deux institutions de la capitale fédérale : le Kennedy Center, lieu de spectacles prestigieux, et surtout le Smithonian, le plus grand ensemble de musées des Etats-Unis, dont 21 rien que dans le centre de Washington. Donald Trump les accuse ainsi de "révisionnisme" et de faire de "l'endoctrinement idéologique". "Absurde", rétorquent les historiens, atterrés par ces attaques, à l'image de James Grossman.

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Le directeur exécutif de la Société américaine d'histoire, la plus importante organisation professionnelle d'historiens au monde, fondée en 1884, a fait part, comme les quelques autres 10 500 membres de cette communauté, de sa ferme opposition à cette intervention présidentielle dans le contenu des musées du Smithsonian.

"Aucun président n'a jamais essayé d'interférer avec le travail du Smithsonian ! C'est l'une des plus grandes institutions de recherche au monde. Et comme certains de vos collègues en France le savent sans doute, elle jouit d'une réputation internationale pour l'intégrité de ses recherches. Il n'y a donc aucune raison pour que le président interfère avec ce qui se passe au Smithsonian. Et ça ne s'est jamais produit jusqu'ici", rappelle-t-il.

"Nier que ça s'est produit est stupide et réducteur"

Pour James Grossman, la raison d'une telle attaque est aussi bien politique qu'idéologique. "Ils sont gênés par le fait que les études historiques actuelles identifient le racisme comme une continuité centrale de l'histoire américaine. Et c'est assez difficile à nier. Nous avons réduit les Afro-Américains en esclavage pendant 200 ans. Ensuite, un système légalisé de ségrégation a été mis en place pendant une soixantaine d'années dans une grande partie du pays. Et nier que ça s'est produit est stupide et réducteur", s'inquiète-t-il au micro de franceinfo.

Donald Trump a ainsi donné pour directive d'interdire les dépenses pour des expositions qui divisent les Américains sur la base de la race. Il demande aussi de lister les statues ou monuments dédiés aux acteurs de la ségrégation retirés sous Joe Biden et de les réinstaller, s'il s'agissait, dit le texte, "de réécrire l'histoire américaine". Et de James Grossman conclure : "Bien sûr que c'est dangereux qu'un président décide de s'emparer du pouvoir dans tant de domaines différents..."