Tour de France 2025 : tueurs d’échappées, porteurs de bidons, poissons-pilotes… Les héros de l’ombre mis à l’honneur par le prix du super-équipier
Derrière chaque grand champion se cachent d'aussi grands équipiers. Car si un seul homme lève les bras sur la ligne d'arrivée, il ne pourrait le faire sans le travail de ses sept équipiers. Depuis toujours, le cyclisme est un sport éminemment collectif, dans lequel des héros de l'ombre permettent à des individualités de briller. Des héros que le Tour de France a décidé de mettre en lumière, avec un prix du super-équipier décerné lors du podium sur les Champs-Elysées.
D'ici là, chaque samedi, un coureur du peloton est désigné meilleur équipier de la semaine depuis le départ à Lille. Lancé en 2022, ce prix du meilleur équipier hebdomadaire a ainsi été attribué à Joao Almeida (UAE Team Emirates XRG), juste avant son abandon, à l'issue de la première semaine du Tour de France, et à Nils Politt, lui aussi dans la même formation, pour la deuxième. Par le passé, des noms prestigieux ont ainsi été honorés, à l'image Wout van Aert, Mattias Skjelmose ou Sepp Kuss. "C'est une bonne initiative parce que la majorité des coureurs sont des équipiers, mais on n'en parle peu, malgré le travail énorme de certains", apprécie l'Américain de la Visma-Lease A Bike.
Un nouveau prix qui réjouit le peloton
"C'est une bonne idée ce prix, ça récompense des gens qui le méritent, qui travaillent pour d'autres mecs qui glanent toute la gloire", approuve Jordan Jegat (TotalEnergies). "C'est une bonne chose de mettre en avant les équipiers qui font un travail extraordinaire, comme nous qui devons protéger Felix Gall", ajoute Bastien Tronchon (Decathlon AG2R La Mondiale), appuyé par Axel Laurance (Ineos Grenadiers). "On a besoin d'équipiers pour voir les leaders s'illustrer. C'est un rôle primordial dans le cyclisme aujourd'hui. On a tous une tâche spécifique chaque jour, qui varie selon la stratégie collective, le profil de l'étape."
À l'image des trois coureurs français cités plus haut, le peloton voit d'un bon œil cette nouvelle récompense. Du moins, pour ceux qui la connaissent. "Je ne savais même pas qu'il y avait un prix du meilleur équipier par semaine depuis trois ans !", avoue ainsi Bruno Armirail (Decathlon AG2R La Mondiale). En apprenant que, dès cette année, il y aurait même un super-équipier sur le podium final à Paris, le Pyrénéen ajoute : "Ça peut être un objectif, ce serait sympa d'être sur le podium des Champs-Elysées." En prime, celui qui sera désigné à la fin du Tour touchera 3 000 euros, tandis que les lauréats de chaque semaine obtiennent 2 000 euros.
"Un bon équipier, ça frotte, ça roule, ça grimpe, c’est un passe partout : c’est un Wout van Aert quoi."
Bruno Armirailà franceinfo: sport
"C'est valorisant d'être la clé de voûte du succès, de la réussite. C'est aussi un sacrifice de ses ambitions personnelles au service d'une autre individualité", résume Pierre Rolland, ambassadeur du prix du super-équipier. Lauréat de la deuxième semaine du Tour en 2023, Sepp Kuss pointe toutefois le point faible de cette distinction : "C'est une belle récompense, mais elle est difficile à attribuer, parce qu'on a tous un travail différent". Car si mettre en avant les héros de l'ombre est une bonne idée, difficile de choisir entre les différents types d'équipiers.
Autant d'équipiers que de rôles différents
Sur les huit coureurs d'une équipe, tous n'ont pas la même fonction chaque jour pour épauler le leader. "Ce qui est sûr, c'est qu'il y a toujours plus de coureurs qui se sacrifient que de coureurs qui peuvent jouer leur carte", rappelle Pierre Rolland, "Après, tout dépend de la composition de l'équipe. Les plus discrets sont les porteurs de bidons qui ravitaillent et protègent leur leader toute la journée. Il y a aussi ceux qui impriment un tempo de dingue en montagne avant l'attaque du leader, ou les tueurs d'échappées, qui font revenir le peloton sur la tête de course au moment voulu."
Sans oublier les poissons-pilotes, chargés de déposer le sprinteur maison à quelques hectomètres de la ligne finale. "Le poisson-pilote, c'est quand même particulier parce qu'il fait exactement la même journée que le sprinteur sauf que, lui, il s'écarte à 200 mètres de la ligne", salue Pierre Rolland, soulignant que "si Mark Cavendish a 35 victoires d'étapes sur le Tour, il en doit au moins 20 à Mark Renshaw. Même chose pour Jasper Philipsen, souvent mis sur orbite par Mathieu van der Poel."
"Sepp Kuss a gagné la Vuelta, mais je suis convaincu qu'il est plus fort quand il est équipier que quand il est leader. Et des exemples comme ça, il y a en plein."
Pierre Rollandà franceinfo: sport
Selon l'étape, les rôles peuvent aussi s'inverser. En 2011, alors que Thomas Voeckler vivait une épopée en jaune, Pierre Rolland était ainsi chargé de l'escorter quand la route s'élevait. "J'étais le dernier en montagne avec lui. Sur la dernière étape dans les Alpes, Thomas craque physiquement. Là, il me dit clairement d'y aller et de jouer ma carte. Il aurait pu très bien me cantonner et je serais resté avec lui de manière très naturelle. Mais, ce jour-là, il m'a libéré de mes fonctions", se souvient celui qui a alors pris son envol pour s'imposer à l'Alpe d'Huez, grâce au bon de sortie accordé par son leader.
Passer de leader à coéquipier, ou l'inverse, est monnaie courante dans un sport où les jambes redéfinissent les statuts. "C'est aussi pour cela qu'un leader doit toujours être agréable au quotidien, créer du lien en dehors des jours de course, lors des stages", ajoute Pierre Rolland. D'autant que, selon Yoann Offredo, consultant pour France Télévisions, la plus belle récompense pour un équipier reste cette reconnaissance : "Quand tu es équipier, tu n'as pas besoin de podium ou de récompense pour savoir si tu as bien fait le travail. Tu le sais quand ton leader vient te voir dans le bus, te faire un câlin ou te taper sur l'épaule et te remercier."