Guerre en Ukraine : quelles pourraient être les garanties de sécurité offertes à Kiev en cas d'accord de paix ?
Un sommet avec Vladimir Poutine, mais uniquement après un accord sur des garanties de sécurité. Jeudi 21 août, Volodymyr Zelensky a posé ses conditions à l'organisation d'une rencontre avec son homologue russe. Selon lui, une réunion trilatérale avec Vladimir Poutine et Donald Trump ne pourra intervenir que lorsque les alliés de Kiev auront détaillé leurs engagements pour protéger l'Ukraine en cas de nouvelle attaque russe. "Nous voulons parvenir à une compréhension de l'architecture des garanties de sécurité d'ici sept à dix jours. Et sur la base de cette compréhension, nous avons l'intention d'organiser une réunion", a précisé le président ukrainien à un groupe de médias, dont l'AFP.
Quatre jours après une rencontre à la Maison Blanche entre Donald Trump, Volodymyr Zelensky et les principaux dirigeants européens, le flou demeure encore sur la forme que pourraient prendre ces garanties de sécurité. Franceinfo revient sur les différentes pistes déjà mises sur la table.
Un contingent de maintien de la paix
La première garantie de sécurité envisagée par les alliés de Kiev est la création d'une "force de réassurance", chargée de maintenir la paix en cas d'accord avec Moscou. Mardi, la "Coalition des volontaires", une trentaine de pays pour la plupart européens soutenant l'Ukraine, s'est réunie pour discuter de cette possibilité. Selon un porte-parole du Premier ministre britannique, Keir Starmer, qui présidait les échanges aux côtés d'Emmanuel Macron, des équipes de planification européennes et américaines doivent se contacter dans "les prochains jours" pour "préparer le déploiement d'une force de réassurance si les hostilités prenaient fin".
Selon CNN, jusqu'à 100 000 militaires sont nécessaires pour sécuriser la ligne de front en Ukraine, longue d'environ mille kilomètres, et freiner les envies belliqueuses de la Russie. En ajoutant les besoins d'entraînement et de rotation des équipes déployées, une telle mission requerrait jusqu'à 300 000 soldats, estime Sky News.
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Un contingent aussi important serait bien difficile à mobiliser pour les alliés européens de Kiev, dont les effectifs se sont réduits lors des dernières décennies. Un chiffre plus réaliste serait plutôt de 30 000 militaires, selon responsables occidentaux cités par le Guardian. Côté allemand, "nous n'avons tout simplement pas le personnel (…), même un petit déploiement serait un défi", a reconnu le député Andreas Schwarz, interrogé par Politico. Le chancelier Friedrich Merz a par ailleurs provoqué une vive émotion dans son pays, qui a adopté une position largement pacifiste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en évoquant lundi la possibilité d'envoyer des troupes allemandes en Ukraine, souligne Le Monde.
La France et le Royaume-Uni se sont dits ouverts à un déploiement en Ukraine. Mais, à l'image de l'Allemagne, plusieurs autres pays européens se montrent plus frileux. La Pologne, qui ne cesse de renforcer son armée depuis le début du conflit, se refuse à la déployer à l'étranger alors qu'elle partage elle-même une frontière avec la Russie, a confié un haut responsable militaire à Politico.
La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, exclut, elle aussi, tout envoi de troupes en Ukraine. Selon Il Corriere della Sera, la Première ministre conservatrice craint de voir les pays européens être entraînés dans un conflit direct avec Moscou en cas d'attaque. "Si l'un de nos soldats était tué, fermerions-nous les yeux ou devrions-nous réagir ? Car si nous réagissons, il est évident que cela impliquerait l'Otan", aurait-elle mis en garde, selon des propos rapportés par le quotidien italien. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a de son côté affirmé jeudi qu'"une intervention étrangère sur une partie du territoire ukrainien (…) serait totalement inacceptable pour la Russie".
Un appui aérien et logistique américain
Le vice-président américain J.D. Vance a déclaré mercredi, dans un entretien à Fox News, qu'il revenait aux Européens de "prendre la plus grande part du fardeau" des garanties accordées à l'Ukraine. "C'est leur continent, leur sécurité", a-t-il insisté. Donald Trump s'est néanmoins montré ouvert à l'idée d'impliquer également son pays dans ce processus. "Ces garanties seraient fournies par divers pays européens, en coordination avec les Etats-Unis d'Amérique", a-t-il assuré lundi. Le lendemain, il a évoqué sur Fox News un soutien de l'armée de l'air américaine, tout en excluant tout déploiement de soldats sur le sol ukrainien.
Les garanties américaines sont toutefois loin d'avoir été arrêtées. Le secrétaire d'Etat, Marco Rubio, a ainsi été chargé de mener un groupe de travail avec les Européens, pour déterminer les engagements précis de chacun, rapportait le New York Times mercredi. Le quotidien dévoile d'autres pistes de participation des Etats-Unis, notamment "une aide sur le renseignement et la surveillance", domaines dans lesquels l'armée ukrainienne dépend largement de Washington depuis le début du conflit, comme le rappelle Liana Fix, chercheuse au Conseil pour les relations internationales.
"Ce que les Européens ont toujours demandé [aux Etats-Unis] est un soutien logistique, en particulier sur le renseignement, car ils n'ont pour ainsi dire pas cette capacité eux-mêmes."
Liana Fix, chercheuse au Conseil pour les relations internationalesau "New York Times"
Le New York Times évoque également la possibilité d'une "force navale" pour sécuriser la mer Noire et l'accès au Danube, ou encore un cadre légal contraignant les Etats-Unis à mettre en œuvre les garanties promises en cas d'attaque russe. Un aspect qui pourrait rasséréner les Européens, face à un Donald Trump connu pour ses multiples revirements sur la guerre en Ukraine.
Une clause de défense mutuelle
Pour décourager toute tentation russe de rouvrir les hostilités après un accord de paix, plusieurs alliés de l'Ukraine ont aussi évoqué la possibilité d'une alliance militaire. L'idée a été formulée par Giorgia Meloni, qui souhaiterait une forme de clause de protection garantissant à Kiev que ses partenaires interviendraient en cas de nouvelle agression de Moscou, explique Le Monde. Le mécanisme est directement inspiré de l'article 5 du traité de l'Otan, qui pose le principe d'assistance mutuelle de ses membres si l'un d'entre eux est victime d'une attaque.
La forme que prendrait une telle clause de défense réciproque est, à ce stade, très floue. Selon l'analyste militaire Sean Bell, contacté par Sky News, l'objectif serait en tout cas de concrétiser la promesse des alliés de Volodymyr Zelensky à continuer de soutenir l'Ukraine. "Si tous les yeux sont tournés vers l'Ukraine actuellement, dans cinq ans, il y aura des gouvernements différents et d'autres priorités", pointe l'expert.
"[Les négociations sur les garanties] viseront à trouver ce qui rendra durable l'engagement des Occidentaux envers la sécurité de l'Ukraine."
Sean Bell, analyste militaireà Sky News
Une autre piste est de continuer à renforcer les capacités de défense de l'Ukraine, notamment via des contrats de coopération ou d'armement – une armée puissante constituant, pour Volodymyr Zelensky, la première garantie de sécurité de son pays. Comme le rappelle Le Temps, le président ukrainien a d'ailleurs déjà établi une vingtaine d'accords bilatéraux d'aide militaire avec des pays comme la France, le Royaume-Uni ou l'Allemagne.
L'adhésion de l'Ukraine à l'Otan exclue
Depuis le début du conflit, l'Ukraine juge que sa meilleure garantie de sécurité face à son voisin est d'intégrer l'Otan, et de rentrer sous la protection de l'article 5. Mais le Kremlin, qui considère l'Alliance transatlantique comme une menace existentielle à ses frontières, juge perspective inacceptable. Si une adhésion de l'Ukraine est soutenue par une partie des Européens, Donald Trump a écarté cette possibilité dans son entretien à Fox News mardi. Il semble ainsi se ranger à la position de Vladimir Poutine, après leurs échanges en Alaska la semaine précédente.
Cela n'a pas empêché l'Otan de réunir ses chefs d'état-major, jeudi, lors d'une concertation en visioconférence. Aucune information n'a filtré sur le contenu des échanges. "Sur l'Ukraine, nous avons confirmé notre soutien. La priorité continue à être une paix juste, crédible et durable", a seulement relaté sur X l'amiral Giuseppe Cavo Dragone, qui préside le comité militaire de l'Alliance.
Les négociations des Occidentaux autour des garanties de sécurité s'annoncent d'autant plus ardues que le Kremlin a affirmé que "les questions de sécurité collective" ne pouvaient être abordées "sans la Russie". Mardi, Moscou avait déjà exigé que tout potentiel accord de paix garantisse sa "sécurité" et celle des habitants russophones en Ukraine – argument que le Kremlin avait avancé pour justifier l'invasion de son voisin en 2022.
"Discuter sérieusement de garanties de sécurité sans la Russie est utopique, c'est une voie qui ne mène nulle part."
Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russedans une déclaration à la presse
Ces derniers jours, les Etats-Unis "tentent d'envoyer un signal aux Russes", pour leur assurer que "les garanties de sécurité à l'Ukraine n'auront rien à voir" avec l'Alliance, remarque Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'organisation, auprès du Monde. "Sauf que pour Moscou, (…) un Otan sans l'Otan, c'est l'Otan", met-il en garde.
En clair, tout arrangement qui ressemblerait, de près ou de loin, à une implication de l'Alliance risquerait de braquer la Russie. Comme le rappelle CNN, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères l'a clairement redit lundi, rappelant l'opposition du Kremlin à "tout scénario envisageant la présence en Ukraine d'un contingent militaire avec la participation de membres de l'Otan".