Guerre en Ukraine : retour en cinq dates sur les multiples revirements de Donald Trump face à Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine
Donald Trump avait affiché fièrement dès mai 2023 sa volonté de régler le conflit "en une journée", une fois qu'il serait redevenu président des Etats-Unis. Mais six mois après son investiture, force est de constater que la guerre en Ukraine fait toujours rage, alors que la Russie a effectué la semaine dernière sa plus grande percée sur le front depuis un an.
Entre alignement avec le dirigeant russe Vladimir Poutine, et soutien modéré, voire vilipendage, de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, l'imprévisible républicain ne cesse de changer son fusil d'épaule. Alors que le chef d'Etat ukrainien est arrivé à Washington lundi 18 août pour discuter d'un éventuel accord de paix sous les conditions russes, franceinfo revient sur les multiples revirements du président américain sur la guerre en Ukraine, en cinq dates clés.
20 janvier : la promesse d'une paix rapide
Le jour de son investiture à la Maison Blanche le 20 janvier, Donald Trump renouvelle sa promesse effectuée durant la campagne électorale : arrêter rapidement la guerre en Ukraine en cours depuis trois ans, après l'invasion russe le 24 février 2022. Sa politique s'est vite orientée vers une reprise des discussions avec le président russe, Vladimir Poutine. L'Ukraine et l'Europe ont suivi avec inquiétude ce rapprochement entre Donald Trump et Vladimir Poutine, lorsque les deux hommes se sont longuement parlé le 12 février et ont lancé des négociations pour mettre fin à la guerre.
Le républicain a aussi fustigé la politique de son prédécesseur démocrate Joe Biden sur les aides militaires et financières fournies à l'Ukraine, jugées trop expansives. Le président a chiffré le montant dû par Kiev à 500 milliards de dollars, soit plus de quatre fois l'aide fournie depuis le 24 février 2022 – environ 115 milliards de dollars, selon l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale. Exigeant une compensation, il lance des négociations avec Volodymyr Zelensky pour obtenir un accord d'exploitations des minerais, hydrocarbures et infrastructures ukrainiens, afin de créer un fonds de revenus "conjoint à l'Ukraine et l'Amérique".
28 février : Donald Trump inflige un camouflet à Volodymyr Zelensky
Le président américain espérait pouvoir faire plier Volodymyr Zelensky pour qu'il accepte les conditions de paix de la Russie, afin de mettre fin au conflit. Tout ne s'est pas passé comme prévu. En colère, Donald Trump a pris violemment à partie le président ukrainien le 28 février à la Maison Blanche lors d'une altercation inédite devant les caméras du monde entier, allant jusqu'à menacer de "laisser tomber" l'Ukraine. "Il pourra revenir quand il sera prêt à la paix", a assené le président américain sur son réseau social, peu après un entretien houleux dans le Bureau ovale et juste avant que Volodymyr Zelensky ne quitte prématurément la Maison Blanche, sans signer l'accord sur les minerais rares ukrainiens.
Moscou avait salué ce moment "historique", tandis que les Européens avaient réaffirmé leur soutien à Volodymyr Zelensky. La quintessence du premier revirement de Donald Trump sur la guerre en Ukraine, alors que le président américain a décidé de mettre la pression sur le chef d'Etat ukrainien, le qualifiant de "dictateur" et de "comédien au succès modeste" après ses échanges avec le président russe. Donald Trump refuse de considérer Moscou comme seul responsable de la guerre. Les sanctions ont directement suivi. Les Etats-Unis annoncent le 3 mars une "pause" dans l'aide militaire à l'Ukraine, ainsi que dans le partage de renseignements. "Je trouve franchement qu'il est plus difficile de traiter avec l'Ukraine, qui n'a pas les cartes en main", a justifié Donald Trump quelques jours plus tard. "Il est peut-être plus facile de traiter avec la Russie."
30 avril : le président américain change de ton après la signature de l'accord sur les minerais ukrainiens
Le 30 avril, Volodymyr Zelensky accepte les conditions américaines et signe l'accord sur l'exploitation des ressources naturelles, le jugeant "véritablement équitable" après avoir modifié quelques termes. L'aboutissement de semaines de pressions et de tractations à la suite de la spectaculaire altercation du 28 février dans le Bureau ovale. L'accord vise à utiliser l'exploitation de ressources naturelles de l'Ukraine pour générer des revenus pour la reconstruction de l'Ukraine. Il n'offre aucune garantie précise de sécurité à Kiev par Washington qui cherche à réduire son aide militaire à ce pays ravagé par la guerre déclenchée par Moscou.
A partir de la signature, Donald Trump va changer de ton dans ses prises de parole publiques. Il décide désormais de faire pression sur les deux belligérants. Le 8 mai, il appelle à un "cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours" en Ukraine pour mettre la pression sur le Kremlin. La Russie comme l'Ukraine "devront rendre des comptes" et "si le cessez-le-feu n'est pas respecté, les États-Unis et leurs partenaires imposeront d'autres sanctions", menace-t-il. Il hausse ainsi le ton sur son réseau Truth Social lorsque la Russie lance une spectaculaire attaque aérienne le 25 mai. "J'ai toujours eu de très bonnes relations avec [le président] russe Vladimir Poutine mais quelque chose lui est arrivé. Il est devenu complètement FOU ! écrit-il. Il joue avec le feu !"
14 juillet : Donald Trump lance un ultimatum à Vladimir Poutine
Donald Trump a espéré à plusieurs reprises pouvoir négocier un accord avec la Russie, afin de trouver une issue au conflit en Ukraine, sans succès. Les frappes aériennes russes se sont même intensifiées sur cette période. Le 14 juillet, c'en est trop. A l'opposé de sa politique de médiation avec Vladimir Poutine du début d'année, Donald Trump, "très mécontent", lance un ultimatum à son homologue russe. Il donne cinquante jours à Moscou pour mettre fin à la guerre en Ukraine sous peine de sanctions économiques sévères. "Nous pensions avoir un accord à quatre reprises environ, mais, Poutine parle gentiment et ensuite, il bombarde tout le monde le soir", a-t-il dit, en racontant un échange avec la Première dame Melania Trump.
"Je rentre chez moi et je dis à la Première dame : 'J'ai parlé à Vladimir aujourd'hui, nous avons eu une merveilleuse conversation.' Et elle me répond : 'Oh vraiment ? Une autre ville vient d'être frappée.'"
Donald Trumplors d'une conférence à la Maison Blanche
Autre revirement, le président américain a annoncé le même jour un réarmement massif de Kiev à travers divers pays de l'Otan, après avoir mis en pause la livraison d'armes à l'Ukraine début juillet. De quoi réchauffer les relations avec Volodymyr Zelensky, qui a salué directement cette déclaration. Les semaines suivantes, alors que Donald Trump a réduit l'ultimatum à 10 jours le 28 juillet, les rapports des Etats-Unis avec la Russie se sont tendus par messages interposés. Après des propos de l'ancien président russe Dmitri Medvedev faisant référence à un dispositif nucléaire soviétique, le président américain a indiqué vendredi 1er août déployer deux sous-marins nucléaires américains dans des "zones appropriées", "au cas où ces déclarations insensées et incendiaires seraient plus graves".
15 août : Donald Trump invite Vladimir Poutine en Alaska et s'aligne sur les visées russes
Dernier revirement majeur : après des semaines à défendre un "cessez-le-feu" pour la guerre en Ukraine, le président américain a choisi de soutenir la solution de "l'accord de paix" défendue par Vladimir Poutine, lors d'une rencontre entre les deux chefs d'État à Anchorage en Alaska le vendredi 15 août. "Il a été jugé par tous que la meilleure façon de mettre fin à la guerre (...) est d'aller directement à un accord de paix", détaillé Donald Trump samedi sur Truth Social, affirmant qu'un accord de cessez-le-feu "ne tient pas souvent".
Un scénario qui semble favoriser le chef d'Etat russe, qui exige depuis le début des négociations cet accord, consacré selon lui aux "causes profondes" de la guerre, à commencer par la volonté de l'Ukraine d'adhérer à l'Otan. Kiev et ses alliés européens dénoncent au contraire une manière de gagner du temps afin de poursuivre son offensive et élargir ses conquêtes territoriales. "La triste réalité est que la Russie n'a aucune intention de mettre fin à cette guerre de sitôt", a déploré la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas. "Pas question [pour l'Ukraine] de récupérer la Crimée" et "PAS QUESTION POUR L'UKRAINE D'ENTRER DANS L'OTAN", a averti le président américain dimanche sur Truth Social. Il a néanmoins évoqué la piste d'une clause de sécurité collective inspirée de l'article 5 de l'Otan, en cas d'attaque de l'Ukraine par la Russie.
Quelques jours après avoir reçu Vladimir Poutine sur le sol américain, Donald Trump doit recevoir lundi 18 août Volodymyr Zelensky à Washington. Se disant "reconnaissant de l'invitation", le chef d'Etat a toutefois prévenu dimanche qu'il rejette fermement toute cession de territoire, qui est "impossible (…) dans la Constitution ukrainienne". Loin de la position de Donald Trump lorsqu'il a lancé son ultimatum, le sommet d'Anchorage a plutôt offert à Vladimir Poutine un retour spectaculaire sur la scène internationale, sans déboucher ni sur l'annonce d'une réunion tripartite avec Volodymyr Zelensky, ni sur une pause dans les hostilités. Et encore moins sur de nouvelles sanctions visant la Russie.