Guerre en Ukraine : qu'est-ce que la "main morte", le dispositif évoqué par Dmitri Medvedev qui a poussé Donald Trump à déployer deux sous-marins nucléaires ?

Un reliquat de la guerre froide refait surface. Alors que Donald Trump a lancé un ultimatum de dix jours à la Russie pour cesser les hostilités en Ukraine, menaçant Moscou de sanctions économiques sévères, c'est Dmitri Medvedev, ex-chef d'Etat russe et proche de Vladimir Poutine, qui s'est chargé de la réponse officielle ces derniers jours : "Qu'il se souvienne de la dangerosité de la "main morte", a-t-il écrit jeudi 31 juillet sur sa chaîne Telegram. 

Une expression qui a poussé Donald Trump à durcir le ton, jusqu'à annoncer, vendredi 1er août dans la soirée, le déploiement de deux sous-marins nucléaires américains dans des "zones appropriées", "au cas où ces déclarations insensées et incendiaires seraient plus graves", écrit-il sur Truth Social.

"[Dmitri] Medvedev a parlé du nucléaire, et quand on parle du nucléaire, il faut être préparé. Nous sommes totalement préparés...", a ensuite déclaré Donald Trump, au moment de quitter la Maison Blanche, pour justifier sa démarche. Alors qu'est-ce que cette "main morte", dispositif nucléaire auquel Dmitri Medvedev fait allusion ? 

Un système de dissuasion à "échec mortel"

L'expression "dead hand" ou système "Perimeter", fait référence à un dispositif nucléaire secret conçu en pleine guerre froide, selon le journaliste David E. Hoffman, auteur d'une enquête et d'un livre sur le sujet (The Dead Hand: The Untold Story of the Cold War Arms Race and its Dangerous Legacy). En 1985, la technologie militaire des Etats-Unis progresse fortement. Deux ans plus tôt, Ronald Reagan a annoncé un projet de défense antimissile dans l'espace.

L'Union soviétique, craignant alors d'être vulnérable à une attaque nucléaire, décide de concevoir un système de dissuasion en grande partie automatique, "à échec mortel". Le principe : même en cas de destruction des chaînes de commandement russes, des ogives nucléaires peuvent être envoyées selon un ordre saisi à l'avance, à partir du moment où une frappe nucléaire est détectée par des capteurs sismiques ou de radioactivité, rapporte David E. Hoffman dans son enquête.

Un dispositif conçu pour "éviter une erreur tragique"

Ce mécanisme de défense ne serait cependant activé que dans des situations de crise par les dirigeants russes. Selon Valery Yarynich, militaire vétéran soviétique qui a participé à la construction du "Perimeter", interrogé par Wired en 2009, l'objectif du dispositif était "d'éviter une erreur tragique". Une sorte de système d'auto-dissuasion. En activant le système et en déléguant la tâche à une machine automatique, les dirigeants soviétiques limitaient ainsi fortement le risque de lancer prématurément un missile, tout en garantissant la riposte. "Cela permettait de calmer tous ces extrémistes et ces têtes brûlées", témoignait l'ingénieur de fusées russes Alexander Zheleznyakov dans le même article. "Quoi qu'il arrive, il y aurait toujours une revanche. Ceux qui nous attaqueront seront punis."

Des questions demeurent cependant sur le dispositif, qui reste secret et sujet aux spéculations : les experts se demandent ainsi si l'envoi de missiles est entièrement automatique, ou s'il nécessite une approbation humaine supplémentaire. 

Jouer sur un imaginaire de fin du monde

Les Etats-Unis avaient aussi mis en place un système d'urgence pour assurer une riposte, mais la décision finale concernant le lancement de missiles était entre les mains humaines, selon le Musée national de la Force aérienne des Etats-Unis. Ce dispositif a été désactivé à la fin de la guerre froide, en 1991, sous l'ordre de George H.W. Bush.

La "main morte", elle, serait encore opérationnelle et mise à jour au fil des années, selon Valery Yarynich. Le système "Perimeter" reste ainsi encore un moyen de pression brandi par les Russes dans une logique de dissuasion nucléaire, évoquant à l'envi une imagerie de fin du monde et de paysages dévastés. Dmitri Medvedev l'a très bien compris, en accompagnant son message de menace aux USA sur Telegram d'une référence ambiguë à la série The Walking Dead, et son monde post-apocalyptique peuplé de zombies.