Guerre en Ukraine : quels sont les enjeux de la rencontre avec Donald Trump pour Volodymyr Zelensky et les principaux dirigeants européens ?

Il va falloir faire de la place dans le Bureau ovale. Plusieurs dirigeants européens, dont Emmanuel Macron, le chancelier allemand, Friedrich Merz, et le Premier ministre britannique, Keir Starmer, accompagnent Volodymyr Zelensky à Washington (Etats-Unis) lundi 18 août, à l'occasion d'une rencontre avec Donald Trump.

Plus de trois ans et demi après l'invasion de l'armée russe, le président ukrainien et ses alliés doivent s'entretenir avec le dirigeant américain, qui a rencontré Vladimir Poutine en Alaska vendredi, pour discuter des contours d'un éventuel plan de paix. Au menu des échanges notamment : la question de l'intégrité du territoire de l'Ukraine, les garanties de sécurité qui pourraient être accordées à Kiev, ou encore le rôle de l'Europe. Franceinfo décrypte les enjeux de cette réunion cruciale. 

Négocier un cessez-le-feu avec la Russie

L'Ukraine et les Européens ont, un temps, espéré avoir convaincu Donald Trump de la nécessité d'un cessez-le-feu avec la Russie. Avant sa rencontre avec Vladimir Poutine en Alaska, le président américain s'était ainsi engagé à obtenir un arrêt des hostilités, menaçant même la Russie de sanctions.

Après le sommet entre les deux dirigeants, le milliardaire semble avoir changé son fusil d'épaule. "Il a été jugé par tous que la meilleure façon de mettre fin à la guerre (...) est d'aller directement à un accord de paix", a-t-il détaillé samedi sur son réseau Truth Social, affirmant qu'un accord de cessez-le-feu "ne tient pas souvent".

L'abandon par Donald Trump du scénario d'une trêve ressemble à une victoire pour Vladimir Poutine. Le président russe exige depuis le début un "accord de paix", consacré selon lui aux "causes profondes" de la guerre, à commencer par la volonté de l'Ukraine d'adhérer à l'Otan. "Vladimir Poutine ne veut pas la paix. Il veut le maintien d'un statu quo du conflit à son avantage", a estimé samedi auprès de franceinfo la politologue Marie Mendras. De son côté, "l'administration Trump ne veut plus attendre un cessez-le-feu ou des négociations pour reprendre des relations avec la Russie et faire des deals économiques", ajoute cette spécialiste de la politique russe.

Kiev voit, dans ce refus du cessez-le-feu, une manière pour Moscou de gagner du temps afin de poursuivre son offensive et d'élargir ses conquêtes territoriales, alors que l'armée russe a gagné du terrain ces dernières semaines. Volodymyr Zelensky a ainsi dénoncé, samedi, une position qui "complique la situation" pour aboutir au plan de paix.

Garantir l'intégrité territoriale de l'Ukraine

Les Ukrainiens redoutaient un accord entre Donald Trump et Vladimir Poutine en Alaska qui les forcerait à céder d'une partie de leurs territoires. Outre la Crimée, annexée par la Russie dès 2014, l'armée russe occupe actuellement environ 20% du territoire ukrainien, dans quatre régions du sud et de l'est (Donetsk, Lougansk, Kherson, Zaporijjia).

En septembre 2022, quelques mois après avoir lancé son invasion, Moscou avait proclamé l'annexion de ces quatre régions, même aucune n'est contrôlée en totalité par ses troupes. "Sur le terrain, les Russes n'ont toujours pas conquis les oblasts [régions] qu'ils veulent annexer, rappelle sur franceinfo le général Dominique Trinquand, spécialiste des relations internationales. Quand on compare les cartes de 2022 à aujourd'hui, la Russie a reculé. Mais l'Ukraine reste en difficulté sur le terrain."

Lors de leur bref passage devant la presse après leur rencontre, ni Vladimir Poutine, ni Donald Trump n'ont évoqué directement le sujet risqué du partage des territoires. Mais plusieurs médias, dont l'AFP, le Financial Times et le New York Times, citent des sources diplomatiques qui ont rapporté certains échanges entre les deux puissances. Selon elles, Donald Trump soutient un plan de Moscou, prévoyant que la Russie obtienne le contrôle total des régions du Donbass, ainsi qu'un gel du front dans celles de Kherson et Zaporijjia.

L'émissaire spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, a assuré dimanche que la Russie avait fait "des concessions" territoriales concernant cinq régions de l'est de l'Ukraine. "Il y a une importante discussion sur Donetsk et ce qui se passera là-bas", a-t-il ajouté.

Avant un sommet avec ses alliés européens, dimanche, Volodymyr Zelensky a une nouvelle fois fermement rejeté toute cession de territoire, qui est "impossible (...) dans la Constitution ukrainienne". A ses côtés, Ursula von der Leyen a réaffirmé la nécessité pour l'Ukraine de ne perdre aucune région. "Les frontières internationales ne peuvent être modifiées par la force, c'est une décision qui revient à l'Ukraine et uniquement à l'Ukraine, a martelé la présidente de la Commission européenne.

Maintenir la pression sur Moscou

L'ultimatum fixé par Donald Trump au Kremlin pour mettre fin à la guerre en Ukraine arrivait en théorie à expiration vendredi, jour du sommet en Alaska. Le président américain avait notamment menacé Moscou et ses alliés d'appliquer des "droits de douane très sévères". "Je ne pense pas que je doive penser à cela maintenant", a-t-il finalement jugé sur la chaîne Fox News, après sa rencontre avec Vladimir Poutine.

"La perspective que pouvait avoir [Volodymyr] Zelensky, c'était une pression accrue sur la Russie, dont l'économie ne va pas très bien et qui sur le long terme aurait pu être obligée de faire des concessions", expliquait samedi sur franceinfo Dominique Trinquand. Désormais, "la Russie se trouve dans une situation beaucoup plus libre, capable de frapper, mais [sans] recevoir de sanctions supplémentaires."

L'un des enjeux de la rencontre à Washington sera donc de convaincre Donald Trump de maintenir une certaine pression sur la Russie. A ce sujet, le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a menacé dimanche la Russie de nouvelles sanctions si un accord sur l'Ukraine n'était pas conclu. Les dirigeants européens ont de leur côté affirmé qu'ils "continueraient à renforcer les sanctions et les mesures économiques ciblées pour peser sur l'économie de guerre de la Russie, jusqu'à l'établissement d'une paix juste et durable".

Obtenir des garanties de sécurité pour Kiev

Moscou a toujours dénoncé la volonté de l'Ukraine d'adhérer à l'Otan, considérant cette alliance militaire comme une menace existentielle qui s'étend à ses frontières. Or, pour Kiev, cette adhésion, soutenue par les Européens, constitue la "seule véritable garantie de sécurité" en cas d'arrêt des hostilités, pour éviter toute reprise de l'invasion russe.

Dans le compte-rendu du sommet en Alaska qu'il a fait aux dirigeants européens, le président américain a évoqué la possibilité d'accorder à l'Ukraine une garantie de sécurité similaire à celle de l'article 5 du traité de l'Otan, qui offre une protection mutuelle aux membres de l'Alliance, a déclaré à CNN, dimanche, Steve Witkoff. Les Etats-Unis et la Russie ont convenu de "garanties de sécurité solides" pour l'Ukraine, a ajouté l'émissaire spécial du président américain. "Le seul élément un peu nouveau qui apparaît [après le sommet Trump-Poutine], ce sont les garanties de sécurité pour l'Ukraine. (...) C'est la seule ouverture qu'on puisse voir", a estimé sur franceinfo Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France en Russie.

La présidente de la Commission européenne ne s'y est pas trompée. Ursula von der Leyen a salué dimanche la proposition du président américain d'offrir des garanties de sécurité à Kiev. La veille, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, avait, dans un communiqué, évoqué l'idée d'"une clause de sécurité collective qui permettrait à l'Ukraine d'obtenir le soutien de tous ses partenaires, y compris des Etats-Unis, prêts à agir dans le cas où elle serait à nouveau attaquée".

Montrer le soutien des Européens à l'Ukraine

Après leur absence remarquée à la table des discussions en Alaska, les principaux dirigeants européens vont se rendre lundi à Washington avec Volodymyr Zelensky. "A la demande du président [ukrainien], je participerai (...) à la réunion avec le président Trump et d'autres dirigeants européens à la Maison Blanche", a annoncé sur X Ursula von der Leyen. Emmanuel Macron, le chancelier allemand, Friedrich Merz, le chef de l'Otan, Mark Rutte, Giorgia Meloni ou encore le Premier ministre britannique, Keir Starmer, seront du voyage.

"Pour Donald Trump, l'Ukraine, c'est un problème d'Européens, il ne veut pas investir du temps, de l'argent sur ce dossier", rappelle Jean de Gliniasty. Les pays européens auront donc un rôle à jouer, notamment en cas de mise en place de garanties de sécurité. Plusieurs pays, en particulier la France et le Royaume-Uni, ont assuré être prêts à contribuer à une force de "réassurance" stationnée en Ukraine, mais pas sur la ligne de front. 

Discuter de l'organisation d'un sommet tripartite 

La rencontre de lundi peut ouvrir la voie à de nouvelles discussions, avec l'organisation d'un sommet tripartite réunissant les Etats-Unis, la Russie et l'Ukraine. "Si tout fonctionne bien, nous programmerons alors une rencontre avec le président Poutine", a annoncé samedi Donald Trump.

A Bruxelles, la cheffe de l'exécutif européen a dit espérer une telle rencontre pourra se tenir "aussi rapidement que possible". Volodymyr Zelensky s'est montré plus pessimiste. "A ce stade, il n'y a aucune indication de la part de la Russie que le sommet tripartite aura lieu", a affirmé dimanche le président ukrainien.