Steve Witkoff, le "self-made man" de la diplomatie américaine

Un sandwich jambon-fromage : voilà le point de départ de l’amitié entre Steve Witkoff et Donald Trump au milieu des années 80. C'est du moins ce que dit la légende. La rencontre a lieu dans une épicerie fine de Manhattan à 3h du matin. Le premier est un jeune avocat spécialiste de l'immobilier, le deuxième un promoteur déjà multimillionnaire qui a oublié son portefeuille. Witkoff le reconnaît et paye pour lui. Quelques années plus tard, lorsqu'ils se recroisent, l'homme d’affaires se souvient de cet épisode. S'ensuit une amitié longue de 40 ans et une admiration sans borne : "Pour moi, Trump était le Michael Jordan de l’immobilier. Il avait ce style flamboyant. Je le voyais arriver et je disais : je veux être lui. Je ne veux pas être l'avocat, je ne veux pas être le scribe, je veux être cet homme."

Et d'une certaine façon, c’est ce qu'il fait : il investit dans les mêmes projets que son mentor, devient milliardaire comme lui, déménage en Floride... Ils sont partenaires de golf, et jouent d'ailleurs ensemble sur le green de West Palm Beach en septembre 2024, lorsque le Secret service intervient pour empêcher une tentative d'assassinat contre Trump, la deuxième de l'année. "J'ai vu un homme qui était stoïque, courageux, se préoccupait de la sécurité de ses amis avant sa  propre vie, témoigne ensuite Witkoff. J'aurais aimé que le pays entier voit ce à quoi j'ai assisté parce qu'ils auraient vu un vrai leader."

Steve Witkoff a les mêmes priorités que son ami, les mêmes idées : "America First, Dollar is king, business is business." L'argent occupe une place centrale dans leur système de valeurs. Les deux hommes sont associés via leurs familles dans une société de cryptomonnaies, avec leurs fils respectifs Eric Trump et Zach Witkoff. Ce dernier a d’ailleurs décidé d'appeler son bébé, né en décembre, Don James, en hommage au président.

Quand un autre fils de Steve Witkoff, Andrew, meurt en 2011 victime d’une overdose d'opioïdes, Donald Trump, qu'il décrit comme un homme gentil et plein de compassion, est à ses côtés. 

Une relation de confiance et d'amitié, fondement de sa légitimité dans l'administration américaine

La loyauté c'est extrêmement important pour Donald Trump. Steve Witkoff avait déjà travaillé pour lui lors de son premier mandat, mais surtout il est resté après la défaite aux élections de 2020, alors que beaucoup de ses anciens alliés l'ont abandonné. C'est cette fidélité qui lui vaut sa place d'envoyé spécial au Moyen-Orient.

"Steve a un boulot à faire. C'est un type génial, un bon négociateur, une super personne, ils le respectent déjà là-bas. C'est ce dont nous avions besoin là-bas."

Donald Trump

à propos de Steve Witkoff

Très rapidement, il obtient des résultats : la libération de Marc Fogel, un enseignant américain détenu en Russie qu'il raccompagne à bord de son jet privé ; celle d'Edan Alexander, otage israélo-américain dans la bande de Gaza, à qui il offre le pendentif d'étoile de David de son fils. 

Witkoff se qualifie lui-même de diplomate amateur. C'est lui qui imagine le projet fou de faire pousser des palaces sur les ruines de la bande de Gaza, défendu par Donald Trump. Le locataire de la Maison Blanche lui confie aussi l'épineux dossier de la guerre en Ukraine, et il se rend à Moscou à plusieurs reprises, sans conseiller ni interprète. Il revient à chaque fois défendant les positions russes et adoptant la rhétorique du Kremlin. "Je pense que Poutine a été franc avec moi. C'était extrêmement aimable de sa part de m'accueillir, a-t-il dit au retour d'une de ces déplacements. Je ne considère pas Poutine comme un méchant, je l'aime bien."

Casquettes multiples, succès limités

Depuis des mois, sa méthode patine. L'accord de cessez-le-feu qu'il a négocié entre Israël et le Hamas a été rompu ; la guerre à Gaza s'enlise, suscitant de plus en plus d'indignation dans l'opinion publique et la communauté internationale ; Vladimir Poutine ne bouge pas d'un iota sur sa vision de la guerre tout en gagnant des territoires. Pourtant Witkoff hérite d’un nouveau dossier : le nucléaire iranien.

L'émissaire tout-terrain du président américain multiplie les casquettes et les visites stériles, mais le négociateur encensé par Trump semble avoir atteint les limites de l'exercice, réalisant peut-être qu'être autodidacte et faire son éducation en géopolitique en regardant des documentaires sur Netflix ne suffit pas pour devenir un diplomate efficace.