Militants inculpés, adolescents laissés pour morts, répression politique… L’assistance aux migrants toujours plus criminalisée en Europe
Les réfugiés, migrants et demandeurs d’asile sont discriminés, criminalisés et déshumanisés. Il en va de même – à des degrés divers – pour celles et ceux qui leur viennent en aide. L’organisation non gouvernementale (ONG) spécialisée dans la protection des sans-papiers Picum rapporte, dans une enquête publiée mardi 29 avril, qu’au moins 142 personnes ont été poursuivies sur l’année 2024, pour avoir aidé ou secouru des migrants en Europe. Une vingtaine l’a été pour avoir fourni de l’eau, de la nourriture ou des vêtements.
« C’est la quatrième année d’affilée » que ce chiffre est en hausse, alerte Silvia Carta, l’une des responsables du rapport, dénonçant la « criminalisation de la solidarité avec les migrants ». Les personnes condamnées étaient au moins 102 en 2022 et 117 en 2023. Picum s’est concentrée sur plusieurs cas étayés – notamment à partir d’une veille des médias européens – en Grèce, en Italie, en Pologne, en Bulgarie, à Chypre, à Malte, en Lettonie et en France.
Jusqu’à dix ans de prison
Par exemple en mars 2024, lorsque sept militants basques ont escorté 36 migrants à travers la frontière entre Irun (Espagne) et Hendaye (France) pendant la course Korrika – organisée pour promouvoir la langue basque. L’action de soutien a été réalisée dans le cadre d’un acte coordonné de désobéissance civile, avec une vingtaine d’associations et syndicats. Les sept militants ont finalement été inculpés pour « aide et complicité d’entrée et au séjour irrégulier ».
Face à la situation, l’indignation publique a donné lieu à un mouvement de soutien de grande ampleur. À l’appel de la fédération Etorkinekin-Diakité et de quatre-vingts associations, syndicats et partis politiques – basques, français et espagnols -, une manifestation a réuni près de 2 500 personnes entre les villes d’Irún (Espagne) et d’Hendaye (France), dimanche 26 janvier. Rassemblés derrière une banderole estampillée « J’accuse », les soutiens ont permis de mettre la lumière sur cette affaire au niveau national. Initialement fixé au 28 janvier 2025, le procès a été reporté au 7 octobre. Ils risquent jusqu’à dix ans de prison.
De même en Pologne, où cinq civils qui ont apporté une aide humanitaire à la frontière avec la Biélorussie, le 22 mars 2022, font l’objet de graves accusations pénales, passibles de peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison. Les accusés sont visés par une procédure judiciaire pour « organisation de passages illégaux à la frontière et d’aide apportée aux migrants ».
Les cinq civils ont transporté – sur une courte distance – plusieurs migrants à l’intérieur du territoire polonais. Arrêtés, quatre d’entre eux ont été détenus pendant 72 heures, tandis que le cinquième a vu sa maison être perquisitionnée. « Bien que la loi polonaise exige que l’aide à l’entrée irrégulière soit motivée par un gain financier ou personnel pour être considérée comme un crime, le procureur général estime que le simple fait que les migrants reçoivent de l’aide suffit à criminaliser ceux qui leur viennent en aide », alerte le rapport de Picum.
« La police des frontières n’est pas intervenue »
En Bulgarie, les autorités locales ciblent de plus en plus les militants qui viennent en aide aux migrants. Sept volontaires internationaux ont été arrêtés en octobre 2024, après avoir aidé des personnes en détresse dans les forêts bulgares, situées à la frontière avec la Turquie. « Les militants ont été détenus dans des conditions épouvantables et contraints de signer des documents en bulgare concernant leur arrestation et leur détention sans bénéficier d’aucune traduction, rappelle l’ONG. Quatre volontaires ont ensuite été arrêtés, interrogés et menacés alors qu’ils portaient secours à des migrants bloqués. »
La police bulgare aurait, plus largement, entravé les opérations de sauvetage et intimidé les volontaires à de nombreuses reprises. « Dans un cas tragique, malgré des appels d’urgence répétés et des coordonnées GPS précises, la police des frontières n’est pas intervenue mais a bloqué l’accès des équipes de secours », révèle Picum. Les autorités ont ainsi retardé l’aide vitale à trois enfants égyptiens, qui sont morts de froid.
Leurs corps ont été retrouvés par les militants les jours suivants. Même dans ces circonstances, les militants ont été harcelés par les gardes-frontières, détenus dans le froid et même invités à déplacer eux-mêmes les corps. « Bien qu’aucune accusation officielle n’ait finalement été portée contre les militants arrêtés, ces incidents reflètent une répression plus générale à l’encontre des personnes qui apportent leur aide aux frontières », conclut l’ONG. Ces trois exemples ne font que symboliser une répression qui ne cesse de se débrider en Europe, au mépris des droits humains.
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