Ukraine : qui sont les promoteurs de la 3e guerre mondiale ?

Emmanuel Macron et Keir Strammer organisent, jeudi 27 mars à Paris, une « coalition des volontaires ». Une trentaine de pays alliés et de membres de l’Otan sont invités à discuter de l’avenir de l’Ukraine et des enjeux de la sécurité sur le vieux continent.

Alors que les dirigeants européens relancent la course aux armements et multiplient les discours sur une « menace russe » sans faire émerger de position diplomatique pacifique, l’Humanité tire le portrait des promoteurs d’une 3e guerre mondiale.

Sébastien Lecornu, dans les pas d’Alexandre Millerand

Indéboulonnable. Les gouvernements passent, tombent parfois, mais lui demeure au poste de ministre des Armées, où il a su se rendre indispensable auprès d’Emmanuel Macron. Au point de devenir un proche, qui n’a pas besoin de passer par le chef du gouvernement – encore moins du Parlement – pour élaborer la doctrine militaire et stratégique.

Comme Gérald Darmanin, dont il est un grand copain, Sébastien Lecornu est issu des rangs de la droite version UMP puis LR, avant de se rallier dès 2017 à la Macronie naissante. Et, comme lui, il n’a plus jamais quitté le gouvernement, gravissant les échelons pour se hisser en mai 2022 à la tête des « Armées », et non de la « Défense » : on notera la nuance sémantique lourde de sens. En 1914, on nommait encore Alexandre Millerand, son lointain homologue, « ministre de la Guerre ». C’était plus net.

Devenu en 2020 ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu est celui qui a mis le feu à la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, mettant à bas le processus de décolonisation issu de l’accord de Nouméa. Depuis, son mantra est d’accélérer la course aux armements à la française. Il est le géniteur de la fameuse loi de programmation militaire 2024-2030, qui octroie une hausse faramineuse du budget des armées (+33 %), avec 413 milliards d’euros sur six ans.

Mais ce n’est toujours pas assez. Avec la montée des tensions, le ministre veut désormais « un budget autour de 100 milliards d’euros par an (…) qui constituerait le poids de forme idéal », a-t-il lâché le 8 mars dans la Tribune dimanche.

Face aux « Russes qui réinventent la guerre » – mais sans expliquer comment –, le ministre compose maintenant sa liste de courses, ce qui, selon lui, manque à notre armée, qu’il a pourtant hissée au cinquième rang mondial : « Au moins trois frégates », « une vingtaine de Rafale », une capacité accrue « de frappes dans la profondeur », une accélération de « la guerre électronique ». Sans oublier de « se secouer sur le spatial (car) toutes les grandes nations sont en train de militariser l’espace ». Pour seul horizon, la ligne bleue des Vosges, comme l’on disait à la veille de la Grande Guerre. « Je ne fais pas partie de ceux qui disent qu’il va y avoir une troisième guerre mondiale », se défend Sébastien Lecornu. Ouf !

Kaja Kallas, au nom du fédéralisme

Son poste est celui d’une diplomate mais elle a tout de la cheffe d’état-major. Comme d’autres, la haute représentante de l’Union européenne (UE) pour les Affaires étrangères, Kaja Kallas, présente le surarmement comme un moyen d’éviter un confit de plus grande ampleur. « Si nous voulons éviter une troisième guerre mondiale, la Russie doit perdre (en Ukraine) », dit-elle.

Éviter une guerre mondiale, tout en agitant son spectre et en favorisant la production de matériel militaire… le concept a de quoi laisser dubitatif. L’ex-première ministre estonienne justifie ainsi l’absence d’efforts diplomatiques européens et l’exclusion des Vingts-sept des négociations entre les États-Unis et la Russie à propos de l’Ukraine : les Russes « ne veulent pas la paix, il n’y a pas de paix ».

Et de faire le parallèle avec la situation qui prévalait en 1938 avec les accords de Munich qui sacrifièrent la Tchécoslovaquie au nom d’une paix illusoire. « Dans de nombreuses sociétés, il y a cette volonté de tout remballer et de retrouver le cours normal des choses », fait-elle mine d’entendre avant de prévenir que le surarmement exigera « des décisions douloureuses ».

En clair, des sacrifices en termes de niveau de vie et de protection sociale. C’est d’ailleurs le travail auquel elle est précisément assignée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui voit dans la nomination d’une représentante des pays Baltes le moyen le plus sûr de se confronter à la Russie et d’avancer vers toujours plus de fédéralisme au nom de la défense du continent.

Tusk se rêve en maître de l’Europe en guerre

À l’instar d’un Emmanuel Macron, Donald Tusk se pense en maître des horloges avec l’Europe entière pour terrain de jeu. Et, à sa montre, l’heure du troisième conflit mondial approche. « Nous devons nous habituer au fait qu’une nouvelle ère a commencé : l’ère de l’avant-guerre », prêche-t-il. Avant de dramatiser à dessein : « Je n’exagère pas » pour souligner une situation inédite depuis 1945. Tout en disant vouloir se garder de jouer sur les peurs des citoyens. Depuis son retour à la tête du gouvernement polonais en octobre 2023, la mutation géopolitique des Vingts-Sept se joue plus que jamais à Varsovie.

Au-delà de sa centralité géographique sur le continent, le pays est bel et bien à l’avant-garde de la stratégie de surarmement européenne face à la Russie. Nœud de transit de l’aide militaire destinée à l’Ukraine, le territoire s’est lancé dans des achats massifs d’équipements militaires, états-uniens et sud-coréens pour la plupart, passant de 2,2 à 4,1 % du PIB en termes de dépenses d’armement. Cette année, cette proportion pourrait atteindre 4,7 %, loin devant celles de la totalité des États membres de l’Otan, jusqu’à devenir le quatrième budget militaire de l’Union européenne en valeur absolue, devant l’Italie.

La Pologne dispose en outre de plus de 200 000 militaires d’active, comme la France et plus que l’Allemagne. L’objectif du gouvernement est de porter leur nombre à un demi-million, réservistes inclus. Le 10 mars dernier, Donald Tusk précisait devant la représentation nationale qu’il « préparait un programme pour que chaque homme adulte polonais soit formé à faire face à la guerre d’ici à la fin de l’année ».

S’il voit indéniablement dans l’agitation du spectre de la guerre une manière pour son pays de gagner en influence en Europe, le chef du gouvernement agite également le traumatisme lié au dépeçage de la Pologne au XVIIIe siècle par la Russie, la Prusse et l’Autriche. Il se rêve non seulement en protecteur de la nation, mais aussi de l’Europe.

Pour préserver le « monde libre » et « l’Occident » – des mots qui reviennent aussi souvent dans sa bouche que dans celle de l’ex-président néoconservateur états-unien George W. Bush –, il déploie des systèmes défensifs dans le nord-est de la Pologne, face à l’enclave russe de Kaliningrad et à la Biélorussie. Il est enfin à l’initiative d’un front avec la France, le Royaume-Uni et les pays nordiques, mais assure n’être « militariste » que par la force des choses. « Le temps du confort est terminé », dit-il. Une manière de préparer le continent à la saignée.

Boris Pistorius, « être prêt à la guerre en 2029 »

Il a les allures rondes et conviviales d’un dirigeant du parti radical de feu notre IIIe République. Ce qui lui garantit une bonne place dans les baromètres allemands les plus convenus de mesure de la popularité des dirigeants politiques. Boris Pistorius, le ministre SPD sortant de la Défense est pourtant l’un des plus acharnés partisans du budget « bazooka » pour la Bundeswehr (l’armée fédérale) que vient d’adopter l’ancien Bundestag, pour le gouvernement pas même encore constitué de Friedrich Merz (CDU).

Dès le 5 juin 2024, il lançait devant les députés allemands : « Nous devons être prêts pour la guerre en 2029. » Et il ne cesse depuis lors de réclamer des armes, toujours plus d’armes. Au point d’appuyer, dès cette époque, une hausse des dépenses militaires pour que l’Allemagne les porte à 3 % de son PIB. Autrement dit : Donald Trump n’avait pas encore été élu que le ministre allemand de la Défense se prononçait déjà en faveur d’un alignement… trumpiste de son effort de guerre.

Un conflit direct avec la Russie serait inéluctable, selon Pistorius, qui ne cesse de monter en gamme alarmiste. Il ne réclame rien de moins qu’un « retour de la conscription sous une forme ou une autre » pour une troupe qui devrait « disposer des meilleurs équipements, des chars d’assaut à la cuisine de champ de bataille ».

Quant aux arguments qui présentent parfois la course aux armements comme un moyen d’accéder à une « autonomie stratégique » européenne, Pistorius a le mérite d’en dévoiler en quelques phrases la véritable portée. Justifiant ce 21 mars la commande de 35 chasseurs bombardiers furtifs F 35 au géant aéronautique états-unien Lockheed Martin, il ne faisait pas mystère de s’inscrire dans le super-atlantisme financé par le Vieux Continent si désiré par… Washington : « Les États-Unis sont et restent pour nous un allié important – y compris pour l’équipement de la Bundeswehr. » Et d’éclairer sans ambages sur le but véritable du voyage : « L’Europe et les États-Unis veulent et doivent gagner en termes de forces de frappe. »

Être le journal de la paix, notre défi quotidien

Depuis Jaurès, la défense de la paix est dans notre ADN.

  • Qui informe encore aujourd’hui sur les actions des pacifistes pour le désarmement ?
  • Combien de médias rappellent que les combats de décolonisation ont encore cours, et qu’ils doivent être soutenus ?
  • Combien valorisent les solidarités internationales, et s’engagent sans ambiguïté aux côtés des exilés ?

Nos valeurs n’ont pas de frontières.

Aidez-nous à soutenir le droit à l’autodétermination et l’option de la paix.
Je veux en savoir plus !